Didier Raoult et les autres scientifiques
1) Les antibiotiques
La position de Didier Raoult sur les antibiotiques est très étonnante. Il s'agit selon lui d'un mythe, pendant que les chercheurs du monde entier s'évertuent à maintenir à jour une carte des résistances...
Pour ceux qui veulent se faire une idée quand même, un excellent thread sur twitter à cliquer et dérouler :
Thread⤵️
— Lionel Case 🔬 (@lionel_case) October 19, 2020
🥁 La résistance aux antibiotiques, comment ça marche? 🥁
Ces médicaments miracle sont aujourd’hui en danger.
Pourquoi et quel est l'impact Covid à terme?🤔
Spoiler : on va aussi parler de Raoult et de ses théories sur la question...🙄
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1-a) La maladie de Whipple
Il est intéressant de relire Raoult critiquant des résultats d'autres chercheurs :
"It is fascinating as it shows, in this intriguing and rare disease, how successive deductive opinions finally came to be considered as established facts."
En français : "Il est fascinant de voir comment ce papier montre, dans le cadre de cette maladie rare et intrigante, comment des opinions déductives successives sont finalement considérées comme des faits établis".
Il dit cela à propos d'un article de Knaapen et Barrera, qui indique que des résistances aux antibiotiques de type sulfonamides sont apparues et rendent leur utilisation seule difficile. Il y a maintenant des combinaisons de traitements dans le cadre de cette maladie.
Didier Raoult oppose des données in vitro aux données cliniques présentées dans le papier et met en avant un traitement combiné doxycycline / hydroxychloroquine dans le cadre de cette maladie de Whipple, alors que les auteurs Hollandais expliquent que cela ne peut pas fonctionner in vivo du fait du passage du système vasculaire au système nerveux central, très limité pour l'hydroxychloroquine qui a du mal à franchir cette barrière.
Sur la figure de l'article avec les données in vitro, on voit qu'à l'époque, Didier Raoult connaissait la conversion du Ct en nombre de copies, et savait mettre des barres d'erreur... il l'a oublié pour son étude Gautret et al. semble-t-il...
2) Les méthodes de détection
Cela n'a pas une si grande importance, mais Didier Raoult s'est aussi disputé au sujet des équipements à utiliser dans diverses analyses, comme la spectrométrie de masse pour identifier des bactéries, fort coûteuse selon certains auteurs par rapport aux techniques génétiques...
Il discute également de la tomographie dans le cas de maladies cardiaques de type endocardite. Proposant une technique dans une étude, Abishek Sharma relève des biais importants qui pourraient fausser les résultats.
Pour détecter une bactérie, la technique de la PCR est la plus efficace lorsqu'on ciblé un gène spécifique, mais il est aussi possible de mettre certaines bactéries en culture. Ce n'est pas le cas de Candidatus Neoehrlichia Mikurensis, que personne n'avait encore réussi à mettre en culture. Didier Raoult a critiqué la méthode de détection par PCR, indiquant qu'il serait sans doute possible dans le futur de cultiver la bactérie... Les auteurs ont répondu être du même avis, mais insistent sur le fait qu'on ne savait pas cultiver cette bactérie au moment de la publication de leur papier... On peut cependant déjà améliorer les techniques de détection par PCR et traiter les patients atteints.
Décidément, Didier Raoult et la PCR, c'est une grande histoire : Virginie Sauvage a repéré une probable contamination des échantillons de Didier Raoult en laboratoire suite à sa publication d'un article indiquant la présence d'un Marseillevirus-like virus dans des prélèvements sanguins obtenus lors de dons du sang. Didier Raoult répondra à cette remarque en indiquant que ce sont les échantillons de Virginie Sauvage qui, positifs au départ chez lui, sont devenus négatifs avec le temps...
Et d'ailleurs, c'est récurrent puisque Patrick Bastien de Montpellier va également indiquer un problème dans une publication de Didier Raoult. Il est étonné de la détection de Leishmania dans une région où aucune donnée clinique ou épidémiologique n'en rapporte des cas. De plus, ils pensent à une contamination lors de la PCR et estiment que les résultats en immunofluorscence ne sont pas du tout convaincants.
Il convient ici de s'attarder sur une partie de la réponse de Didier Raoult, emblématique quand même :
"Before responding scientifically to the comments from Bastien et al, we need to highlight some points. First, our work underwent extensive peer review before it was accepted and published as an article containing original research findings. Moreover, our laboratory is considered one of the pioneering laboratories in the world, providing advanced diagnostic laboratory services (with >400 000 polymerase chain reaction [PCR] analyses/ year). Additionally, it is a reference laboratory for many of the world’s emerging and neglected infectious diseases."
En français :
"Avant de répondre scientifiquement aux commentaires de Bastien et al., Nous devons souligner certains points. Premièrement, nos travaux ont fait l’objet d’un examen approfondi par les pairs avant d’être acceptés et publiés sous la forme d’un article contenant des résultats de recherche originaux. De plus, notre laboratoire est considéré comme l’un des laboratoires pionniers dans le monde, fournissant des services de laboratoire de diagnostic avancés (avec > 400 000 analyses de réaction en chaîne par polymérase [PCR] / an). De plus, c'est un laboratoire de référence pour de nombreuses maladies infectieuses émergentes et négligées dans le monde."
Il va ensuite répondre sur le fond scientifique, confirmant le résultat positif par PCR chez un de ses collègues à l'université de Lausanne, le Dr Greub, ainsi qu'un contrôle négatif en fluorescence, à comparer avec un échantillon positif.
3) Une méta-analyse
Dans le cas de la Fièvre Q, une méta-analyse de Didier Raoult (oui, il en faisait déjà en 2014), Didier Raoult s'inquiète de l'incidence des malformations et des avortements après avoir eu la fièvre Q. Il a été remarqué que les canons de la méta-analyse, notamment de spécifier la manière dont les articles sont sélectionnés (une sélection manuelle sans critères nets laisse trop de champ libre à la manipulation de données), n'avaient pas été respectés. Le test statistique réalisé n'est également pas le bon, compte-tenu de l'hétérogénéité des échantillons.
La réponse de Didier Raoult a été d'indiquer qu'évaluer l'hétérogénéité n'était pas pertinent dans ce cas précis, arguant que l'hétérogénéité dans son échantillon pourrait être dû à des effets cliniques de la maladie. Il insiste donc sur le fait de s'intéresser à la clinique, et que la statistique n'est qu'un outil secondaire selon lui...
4) Remarque finale
Parfois, les échanges peuvent être bien plus cordiaux, lorsqu'on ne contredit pas un résultat de Didier Raoult mais qu'on lui propose au contraire un complément, par exemple que des poux peuvent être des vecteurs supplémentaires par rapport aux moustiques.
Une autre discussion sur des aspects plus historiques a eu lieu, avec la publication de résultats d'analyse indiquant la cause du décès de Caravage selon Didier Raoult. Des arguments historiques sont avancés par un critique, qui ne remet pas en cause l'analyse scientifique et la cause du décès identifiée. Didier Raoult répond avec une formulation intéressante à la fin :
"To conclude, like the investigation of cold cases in general, there is always some uncertainty, but the data are so convergent that outside the principle of doubt that animates any scientist, it is difficult not to conclude that this was indeed Caravaggio’s skeleton."
En Français :
"Pour conclure, comme dans toutes les enquêtes historiques en général, il y a toujours une certaine incertitude, mais les données sont si convergentes qu’en dehors du principe du doute qui anime tout scientifique, il est difficile de ne pas conclure qu’il s’agissait bien du squelette du Caravage."
Il semble que le doute, même s'il est bon de l'énoncer, n'a que peu de place dans l'esprit de Raoult. Dans son monde, il sait, même si les faits disent le contraire.
Allez on l'embarque le vieux ?
(Le Crucifiement de Saint Pierre par Caravage)
PS : ce qui est inquiétant, c'est que ses étudiants auraient "le même état d'esprit" que Didier Raoult, allant jusqu'à déféquer dans le laboratoire... pour récupérer des bactéries bien sûr !
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