mardi 7 avril 2020

Les études falsifiées sur l'hydroxychloroquine

1) La fraude scientifique de Didier Raoult

Ce billet est le premier de ce blog et les aspects qu'il aborde seront développés en détail ultérieurement. Il vise à lancer dans un premier temps une véritable alerte car une fraude scientifique réelle a eu des conséquences que je n'imaginais pas. Il est urgent d'en tenir compte.

Le virus sars-cov-2 est apparu d'une façon sans doute prévisible puisque présent en puissance dans les réservoirs animaux, avec des alertes qui nous sont parvenues en 2002/2003 et en 2012. Les autorités chinoises ont eu un réflexe protecteur, et les autres puissances mondiales n'ont pas jugé utile de trop s'inquiéter précocement malgré les signes avant-coureurs.

C'est ainsi que la pandémie de COVID19 s'est déclenchée, prenant de cours toutes les autorités, et les querelles politiques autour de commandes de masques, de négligences ou de prévoyance excessive, de mauvaises décisions, de conflits d'intérêts s'enchaînent.

Dans tout ce brouhaha est arrivé un homme providentiel, le professeur Didier Raoult. Celui-ci a une carrière scientifique notable, mais tout de même critiquable. Sa recette, l'association d'hydroxychloroquine et d'un antibiotique, l'azithromycine, serait LA solution contre le virus. Inutile de se confiner, il suffit de se dépister et d'éliminer le virus avec la potion magique.

Cette affirmation publiée le 25 Février 2020 est basée sur des communications chinoises du 19 Février 2020 à propos des premières études cliniques, qui, sans argument aucun, indiquaient que les études sur la chloroquine étaient "prometteuses". Aucun détail, malgré un titre accrocheur "Breakthrough".

Une première étude est alors parue le 17 Mars 2020. Elle fut qualifiée de "controversée" dans la presse. Des propos plutôt mesurés ont été prononcés, qui n'indiquent pas vraiment qu'il y a une fraude, mais qui relatent une querelle d'experts sans doute incompréhensible pour le grand public.

Pourtant, le propre d'un bon scientifique et d'une bonne démonstration, c'est d'être compréhensible, moyennant peut-être un certain investissement personnel. Je vais donc proposer dans ce billet de rendre compréhensible l'étude, pour que la fraude scientifique apparaisse au grand jour.

2) Action générale de la Chloroquine / Hydroxychloroquine

La chloroquine, comme l'hydroxychloroquine, dérivé moins toxique que le premier, a utilisée comme antipaludique et imposée par l'industrie pharmaceutique contre la tisane d'Artemisia en Afrique, qui s'est montrée efficace mais ne correspond pas aux exigences de l'Organisation Mondiale de la Santé.

Son mode d'action dans le cadre du COVID19 a été décrit par le pr. Didier Raoult lui-même dans une revue récente 
Fig 1

Étonnamment, son action ciblerait l'ensemble des processus impliqués dans la réplication virale, à l'inverse de tous les autres antiviraux qui ont une action précise bien définie (par exemple : certains ciblent la liaison du récepteur ACE2 comme le camostat, d'autres empêchent la réplication de l'ARN par la polymérase comme le favipiravir...).

Ici, la chloroquine empêcherait la liaison au récepteur : cela passerait par une modification du récepteur (glycosylation). Elle empêcherait également l'internalisation du virus par son effet le plus connu, la modification de l'acidité de l'endosome, cette vésicule par laquelle entre le virus. Ensuite, par un mécanisme très indirect, elle réduirait la fabrication du virus. Enfin la chloroquine serait capable d'éviter la libération du virus ainsi fabriqué.

Il est étonnant de noter que ces mécanismes ont tous été décrits in vitro, c'est-à-dire dans des tubes et sur des types de cellules précises, on parle de "lignées cellulaires". Il n'est pas rare, dans ce type d'études, que chaque lignée cellulaire réagisse différemment, et comme seuls les résultats "qui fonctionnent" sont publiés, on ne saura jamais que c'était la seule lignée cellulaire sur des milliers d'autres où cela se passait ainsi... Et c'est pour cette raison que ces effets in vitro doivent être confirmés in vivo, en situation réelle, avec une infection virale... Ce qui a semble-t-il très peu marché puisque la chloroquine a aggravé trois infections virales malgré des résultats in vitro prometteurs : la grippe, le chikungunya et le sida.

3) Aspects cliniques : les patients écartés

Dans une première étude, le professeur Raoult a écarté 6 patients que je souhaite tout de même intégrer dans un graphique élémentaire dont tout le monde pourra tirer les conclusions évidentes sur l'efficacité de l'hydroxychloroquine, malgré un échantillon très faible :

Il est tout à fait étonnant qu'avec de telles statistiques, il soit possible de conclure à une plus grande efficacité de l'hydroxychloroquine. Mais rien n'est impossible. Il suffit d'écarter de l'étude le mort et les patients partis en réanimation, après tout, ils ne sont pas allés au bout de leur traitement.

Ce qui est étonnant, c'est aussi la répartition des groupes dans cette étude, qui ne sont pas homogènes en termes d'âge :
 

Ni en termes de statut clinique (URTI = tractus respiratoire supérieur, LRTI = tractus respiratoire inférieur) avec 25% d'asymptomatiques chez le groupe contrôle :

Ni même en terme de sexe : 

Enfin le tri des patients n'est pas très clair. On leur attribue une catégorie parmi asymptomatiques, URTI (tractus respiratoire supérieure, cas peu graves) et LRTI (tractus respiratoire inférieur avec pneumonies et bronchites, cas un peu plus graves)

Il n'est cependant pas précisé à quelle date ce tri est effectué, ni ce qu'il se passe en cas de changement de catégorie, ni si le traitement est poursuivi pendant les 14 jours de l'étude en cas de guérison dès les premiers jours, ou s'il est interrompu, quand le patient est libéré... Tout ceci est très opaque et manque de rigueur.

Dans une seconde étude, fort du succès (?) de la première étude, le professeur Raoult a jugé non éthique de ne pas utiliser la chloroquine sur tous les patients. Il n'y aura donc pas de groupe contrôle. Cependant, sensible aux cris d'alerte sur sa première étude, et sûrement pas pour tricher (oh si, cessons de jouer les innocents : très probablement pour améliorer ses statistiques qu'il est habitué à présenter de manière faussée), il a décidé de faire passer un électrocardiogramme préliminaire à tous ses patients. Ainsi, il est possible d'écarter une bonne partie des personnes âgées, les plus à risque, ayant ce facteur de comorbidité présent chez près d'un million de français.

De plus, cette seconde étude faisant suite à une véritable campagne médiatique, il a été possible de faire venir une population très variée, souvent asymptomatique, et la "soigner" avec peu de risques d'échec comparé à ce qui se passe dans les hôpitaux surchargés de patients en état grave avec multiples comorbidités.

Il est intéressant de noter qu'en testant massivement et en admettant très facilement des personnes dans ses essais, le professeur Raoult n'aie pas réussi à faire mieux que les statistiques mondiales...
Voici un résumé du déroulé de la maladie :


Et voici ce qui se passe chez les 80 patients du professeur Raoult :

1 mort, 3 en soins intensifs, 12 avec oxygène.
Cela reste extrêmement proche des statistiques mondiales classiques, rien de fulgurant.
De plus, les patients avaient tous un score NEWS extrêmement faible, ce score étant choisi pour décrire les symptômes. La lecture du score indique que 92% des patients chez Raoult ont des symptômes peu importants, et seuls 15% avaient de la fièvre. En bref, ce sont surtout des patients peu malades qui ont été traités.

Mais alors, où est l'intérêt du traitement Raoult ? Selon ce dernier, il réduirait la charge virale et permettrait donc de réduire l'afflux de patients. Il faudrait dépister massivement tout le monde, et appliquer le traitement avant complications. Voyons si cela marche.

4) Aspects techniques : les données inventées

Pour comprendre cette section, il est peut-être nécessaire de lire les généralités pour comprendre ce qu'est une PCR et une qPCR.

Première étrangeté, certains patients ont eu droit à une PCR, d'autres à une qPCR, ainsi on a soit un résultat "POSITIF / NEGATIF", soit un résultat chiffré en Ct selon les cas. Et beaucoup de patients n'ont pas eu droit à leur analyse (ND), mais avec des différences entre la prépublication et la publication finale, ce qui est encore plus étonnant : une chose non faite a été faite finalement ? résultat retrouvé dans une poubelle ?

De plus, les enchaînements entre les jours sont très étonnants de ce fait :


Au jour 3, 1 patient sur 16 est négatif, puis au jour 4 il y en a 4 mais au jour 5 plus que 3 et au jour 6 plus que 2. Ainsi, sur la courbe obtenue, le pourcentage de patients positifs chez le contrôle peut AUGMENTER à trois reprises, sans que personne ne s'en inquiète :




5) La charge virale : la qPCR inventée

Ce qui devient tout bonnement indécent, c'est la qPCR réalisée sur certains patients (pas tous) : les 16 premiers sont les contrôles, puis sous la barre épaisse noire les 26 suivants sont ceux sous traitement hydroxychloroquine, dont seuls les 6 derniers sont traités avec hydroxychloroquine et azithromycine. Ces patients sont également triés entre asymptomatiques, URTI et LRTI. On n'aura cependant pas de résultat pour tout le monde :

Encadré en rouge, on voit des successions positifs, négatifs, positifs, le virus disparaît puis réapparaît. En bleu on voit également des bonds de charge virale totalement incohérents, avec des valeurs de Ct variant dans des dimensions tout bonnement irréalistes. En effet, le Ct reflète la charge virale, mais est une valeur exponentielle. Passer de 16 à 34 revient à multiplier la charge virale par 250 000.

Enfin des scientifiques ont décidé de rajouter une information importante manquant à cette étude : les barres d'erreur indiquant l'incertitude des mesures, qui lorsqu'elles se chevauchent indiquent que la variabilité est due au hasard et n'est pas significative :

Ce qui est intéressant, c'est que la charge virale dans les graphiques du professeur Raoult n'est exprimée qu'en "pourcentage de personnes ayant le virus". Or des valeurs de Ct, comme nous l'avons vu, permettent d'indiquer plus en détail la charge virale, de la quantifier. En ne prenant que les données obtenues en qPCR, voici ce que cela donne :

On voit clairement que la courbe de l'hydroxychloroquine fait des bonds étranges tandis que les autres courbes sont beaucoup plus horizontales... Ceci est sans doute dû à la charge virale étrange du patient 21.

Cependant, malgré ces failles évidentes, le professeur Raoult a décrété que, sur la base de ses données inventées et de ses résultats non significatifs, la charge virale baissait plus vite chez ses patients traités que dans les contrôles. Il ne faut donc plus perdre de temps à étudier, et traiter immédiatement tous les patients le plus tôt possible pour diminuer leur charge virale au plus vite.

L'application de cette méthode publiée dans la seconde étude est donc intéressante à regarder également. Cette fois-ci, en plus d'une qPCR dont les Ct ne sont plus communiqués, nous avons droit à une confirmation en culture cellulaire. Cette technique de culture cellulaire implique encore une fois une vérification par qPCR très peu fiable vu les barres d'erreur dans la publication...

Comme il faut tout de même comparer à quelque chose, cette fois-ci, c'est à une étude chinoise que l'on va comparer la charge virale. Le professeur Raoult nous dit donc que la moyenne (il se trompe, car l'étude chinoise parle de durée médiane, ce qui est très différent) est de 20 jours pour une disparition de la charge virale dans cette étude sur 191 patients :

Il ne précise pas l'âge médian avancé des patients (56 ans) surtout parmi les 28% décédés (69 ans) dans cette étude.

Mais surtout, le seuil Ct choisi dans le cadre de cette étude semble très élevé par rapport à celui de Raoult : 45 contre 35.

Alors que se passe-t-il sur une qPCR en changeant ce seuil ?
On peut s'inspirer d'autres études pour analyser cela :

Les patients sont présentés individuellement mais on peut faire la moyenne des valeurs de Ct dans cette étude pour plus de clarté :
On voit ici que si on fixe le seuil de Ct non plus à 40, mais à 35, il suffit de 8 à 9 jours après apparition des symptômes pour avoir une disparition complète du virus.

Et c'est là tout le problème : selon le seuil choisi, on peut classer positif ou négatif un échantillon. Et le seuil choisi par le professeur Raoult est de 35 cycles selon les mentions imprécises de son second article. S'il avait pris un seuil de 45 cycles comme l'étude chinoise à laquelle il compare ses résultats, il aurait très probablement obtenu ceci lors de sa première étude :

Admettons cependant qu'il y aurait effectivement baisse de la charge virale, ce qui est loin d'être prouvé avec de tels résultats. Que pourrions nous dire alors ? Que la charge virale baisse plus vite que sans traitement ?
Reprenons les données de la première étude.
Les patients sont indiqués comme étant inclus dans l'étude en moyenne 3,9 jours après le début des symptômes... alors que...

Comme il existe des asymptomatiques, et des patients qui ont une date de débuts de symptômes inconnue, il ne s'agit pas d'une moyenne réelle.
En triant correctement les données et en ne gardant que ceux pour lesquels toutes les informations sont disponibles, en séparant URTI et LRTI, on obtient les durées suivantes :

Pour les URTI (les gros rhumes) : comme l’ancienneté des traités HCQ est de 4 jours, et qu’on mesure au 6ème jour, on mesure au 10ème jour réel de symptômes. La moyenne est de 8 jours de guérison, donc il est peu surprenant d’avoir 60 % de guéris… Le sous-groupe avec l’antibiotique a 34 ans d’âge moyen, il a donc probablement éliminé plus rapidement le virus. Reste le groupe contrôle sans négatif, mais le « groupe » est constitué de 3 personnes, plus âgées que les autres, avec seulement 2 jours d’ancienneté : avec 8 jours de moyenne de curage, il n’est pas très surprenant de n’avoir aucun négatif le 6ème jour… Voici leur charge virale :
En trait vert épais : le seul patient du groupe contrôle ; en trais bleus épais : les 2 patients en traitement HCQ + antibiotique ; tous les autres sont traités HCQ

La charge virale des patients plus jeunes traités avec antibiotiques était déjà plus faible que celle des autres patients, et on observe de nombreux zigzags qui ne présagent rien de bon sur la qualité de la qPCR.

Pour les LRTI (pneumonies) : le groupe BCQ+AZM est de nouveau le plus jeune des groupes ; il a 5 jours d’ancienneté, pour une moyenne de curage à 9 jours : il est normal d’avoir un bon résultat dans cet exemple. Le groupe contrôle n’a que 2 malades : celui à 2 jours d’ancienneté aurait juste eu le temps de passer en négatif ; le second, démarrant au 10ème jour aurait dû passer en négatif, démarrant avec une ancienneté supérieure à la moyenne, mais cela n’a pas été le cas, il risque de rejoindre la réanimation si son état s’aggravait. Voici leurs résultats :
Tous sont traités avec HCQ + antibiotique, sauf les deux traits épais en rouge et rose, qui ont seulement de l’HCQ

La baisse de la charge virale a l'air d'être plus rapide dans ces cas pourtant cliniquement plus graves. L'hypothèse d'un déplacement de la charge virale n'est donc pas absurde, puisque la qPCR est réalisé sur un swab nasal.

Globalement, les résultats cliniques des personnes dont la charge virale a disparue ne sont pas présentés, et nous ne savons donc pas s'ils sont restés à l'hôpital pour la science pendant plusieurs jours, ou si leur état clinique s'est aggravé et justifiait d'y rester. le lien entre disparition de la charge virale par swab nasal et qPCR avec un seuil de Ct de 35 cycles ne nous indique pas du tout si le virus n'est réellement plus présent dans l'organisme, s'il s'est déplacé etc...
Voici un résumé de ce qu'on sait sur la détection des charges virales avec sources, publié par l'université de Hong-Kong :

On voit que la répartition du virus n'est pas homogène dans tout l'organisme.

Mais malgré ces défauts, en tenant compte de la date du début des symptômes, on voit qu'il faut grosso modo une dizaine de jours en moyenne pour atteindre la clearance virale vantée par le professeur Raoult.

Un excellent article paru dans Nature a montré les résultats individuels des patients :


On observe que la charge virale (mesurée ici proprement en nombre de copies par ml, en échelle logarithmique) chez 9 patients baisse bien plus vite dans le nez, en jaune, (swab) que dans les crachats, en orange, (sputum) ou les selles, en gris (stool)… Le virus n’est souvent plus détectable dans le nez en 7 à 10 jours – et rien ne dit que le limite de détection à Marseille avec un seuil Ct de 35 cycles ne soit pas plus haute que dans cette analyse qui est, elle, de bonne qualité.

Mais alors, sur les 80 patients de la seconde étude du professeur Raoult, que pouvons-nous dire ?
Nous n'avons plus aucune donnée brute, plus trop d'informations sur ce qui se passe, seulement des informations à recouper et un graphique à lire pas très précis dont les chiffres ne sont pas certains mais que j'ai tenté de résumer ici :
Représentation très étrange mélangeant des nombres de patients (colonnes noires et grises) et des pourcentages (en vert). Mais en regardant simplement le jour 5 on se rend compte qu'il y a un souci. Le graphique étant peu précis, on peut arrondir à 30 (gris) sur 60 (noir) ce qui fait environ 50%. Or le pourcentage correspondant est de 25/30% (lu à droite du graphique).

Le premier jour, 49 patients entrent et dès le lendemain, 10 n'ont plus de charge virale. Ce même jour, 26 nouveaux patients entrent, et avec les 39 restants, cela fait un total de 65 patients.
Le second jour, sur les 65 patients présents, 6 vont à nouveau guérir le lendemain.
On passe donc de 20% de guérison en 24h contre moins de 10% le lendemain. Est-ce dû au traitement ? Cela paraît tout de même très étrange.

Quand on prend les données de la charge virale confirmée en culture, cela devient encore plus étrange...
Le modèle mathématique présenté en bas à droite est faussement appelé "polynomiale" alors qu'elle ne l'est pas, traduisant une méconnaissance des mathématiques.
Mais surtout on peut alors appliquer la formule et voir ce qui se passe à 14 jours : 6,8% de patients avec charge virale d'après ce modèle, et à 28 jours : 3,3% de patients avec charge virale d'après ce modèle. Ces résultats sont en réalité très peu encourageants...

Dans les données il existe des patients provenant de la première étude, mais quand on les retrouve, ils n'ont pas eu de PCR durant deux jours. Pourtant le graphique indique que tous les patients sont positifs... Donc que leur PCR a été faite. On a peut-être retrouvé le résultat en fouillant les poubelles, entre la première et la deuxième étude ?



De même, parmi les 3 cas partis en réanimation deux étaient toujours positifs (Ct < 35) en fin d'étude, pourtant la conclusion dit clairement que tous les patients ont guéri. Comme lors de la première étude, les patients "perdus au cours de l'étude" ne comptent pas :



En conclusion, on aurait pu arrêter là le massacre, mais non. Il fallait s'acharner à persister dans le n'importe quoi. Le professeur Raoult a donc décidé de publier, et de remettre en mains propres au président de la République venu le voir, une troisième "étude" le 9 Avril, dont les failles ont immédiatement été repérées.

Celle-ci fait suite à une campagne de publicité agressive mêlant politiques (Douste-Blazy, Estrosi) et compteurs trompeurs. En effet, Un compteur sur le site web de l'IHU méditerranée affichait fièrement des statistiques bien meilleures qu'ailleurs. Celui-ci ne compte pas de façon honnête la mortalité COVID19 à l'IHU pour deux raisons majeures.

Premièrement, l'exclusion des personnes ayant des problèmes cardiaques comme vu précédemment, et qui sont bien plus à risque que les personnes non cardiaques. D'autant plus qu'il y a beaucoup de personnes âgées parmi elles.

Deuxièmement, le comptage uniquement des personnes ayant eu 3 jours de traitement, donc survécu au moins 3 à 4 jours avant de décéder. Ceci est très commode pour retirer les mortalités rapides et encore réduire ce chiffre.

Outre le fait que l'âge des patients paraît plutôt jeune comparé aux hôpitaux, et avec la présence d'une légère majorité de femmes, la réduction du risque était assurée. Mais il y a en plus de nombreuses incohérences car si on suit au quotidien ce compteur...


Le 30/03, il y a des morts qui disparaissent le lendemain 31/03 sous traitement HCQ/AZ. Pas de mise à jour le 4/4, et le 4/5 au total un mort de plus, mais il y a 2 morts de plus sous traitement avec un ressuscité chez les sans traitement.
C'est sans doute une faute de frappe mais on monte de 10 000 tests le 5/4 et on redescend le 8/4, on perd aussi 1700 positifs ce même jour.
Il n'y a pas de données le 7 avril, perte de données massive le 8 avril, et sortie d'un papier en preprint le 9 avril qui rapporte tout jusqu'au 31/3... L'ensemble de ces données ne sont pas sérieuses, la collecte semble plus qu'hasardeuse.

C'est donc fort de ce compteur biaisé que le professeur a transmis sa dernière étude.

Le 6 Avril, en vidéo, le professeur Raoult rapportait 20 soins intensifs et 7 morts dans la presse. Dans l'article publié le 9 Avril, il parle de 5 morts et 10 en soins intensifs sur 3165 testés dont 1061 positifs. Or au moment où il y a 5 morts, le compteur affiche 3005 testés et 1818 positifs.

La publication indique que les patients sont ceux du 3 Mars au 31 Mars. Sauf que le 31 Mars on en est à 1283 et non à 1061 comme le dit le tableau 1.

Les données de l'étude ont été présentées sous deux versions différentes successives. Il est ainsi possible, par recoupement, de reconstituer le détail des chiffres qui n'a pas été communiqué :

Voici ce qui permet d'obtenir les mêmes pourcentages, les mêmes moyennes et les mêmes variances :

On voit qu'il y a une écrasante majorité de personnes ayant un score NEWS compris entre 0 et 4, ce score qui indique la gravité des symptômes. Voici la fiche permettant de compter son score NEWS :

Sur les 1061 patients, un total de 851 avait probablement un NEWS score à 0, ce qui signifie absence de fièvre et âge inférieur à 65 ans. Pas beaucoup de patients à risque donc, et pas étonnant que la mortalité soit réduite, passant de 1,4% sur une population incluant les personnes à risque, à 0,5% chez le professeur Raoult qui exclut les personnes à risque.

Dans la version finale, il publie cependant une mortalité à 0,75% qui passe même à 0,94% si on tient compte des deux décès exclus de l'étude et précisé dans les "author's notes" .

La charge virale n'est observée que 16 jours après le début des symptômes, et les valeurs de qPCR ne sont pas précisées. Et malgré cela, il a fallu refaire une deuxième qPCR au 21ème jour pour certains chez qui le virus n'avait pas encore disparu avec les conditions très étranges choisies par le professeur Raoult et décrites précédemment.

Enfin, si on ne regarde que les patients ayant un NEWS score moyen ou élevé, on tombe respectivement sur 40% et 60% de "poor clinical outcome", c'est à dire d'hospitalisation en soins intensifs ou de décès. Si on les regroupe, c'est environ 50% des 53 patients avec un NEWS score supérieur ou égal à 5 qui vont avoir cette mauvaise issue.

On peut décomposer en classes d'âge, prendre les taux de mortalité chinois et comparer ce qui est attendu avec les taux chinois et ce qui est obtenu en réalité aussi : on s'attend à "5,6" morts, on en a eu 5.... C'était prévisible.

Remarquez cependant que cette mortalité est extrêmement faible et peut correspondre à un bruit de fond par rapport à une mortalité attendue autour de 0,9 %. Ainsi la mortalité théorique hors traitement serait de 0,075% dans un mois, durée couverte par l'étude...

La publication définitive avec données supplémentaires et design de la troisième étude s'est accompagnée d'une revue de la littérature très... libre :

Leur propre essai clinique (Gautret et al.) ainsi que celui de Chen et al. est dans le groupe de niveau 1b c’est à dire le groupe des essais cliniques randomisés bien conduits, qui montrent une efficacité claire, avec des intervalles de confiance étroits (donc une mesure précise de l’efficacité). Ce n'est pas honnête car leur essai clinique n’était même pas randomisé, et les deux études comportaient de nombreux biais. Ils ont également mis une troisième étude, négative celle là (qui concluait à l’absence d’efficacité de la chloroquine). Il est amusant de voir que les auteurs prennent le temps de formuler une critique sur cette seule étude, et aucune critique sur leur étude à eux.
On remarque qu'ils ont indiqué que leur étude portait sur 36 patients, omettant de signaler le décès et les 3 réanimations ainsi que les 2 patients ayant quitté l'étude dont un à cause des effets secondaires.
En réalité, ces trois études devraient être classées en niveau 4...

Les auteurs ont attribué un niveau de preuve 2b (correspondant normalement à des études de cohortes comparatives ou des essais cliniques comportant des biais) à une publication qui n’est même pas un article scientifique original mais une simple “lettre à l’éditeur” d’un journal scientifique. Il s’agit de la fameuse lettre dans laquelle des chinois prétendaient que des études cliniques sur 100 patients montraient l’efficacité de la chloroquine qui avait amené Didier Raoult à annoncer le 25 février que “Covid-19 : fin de partie, infection respiratoire virale la plus facile à traiter de l’histoire”. Les auteurs classent aussi dans ce niveau 2b leur étude observationnelle sans groupe contrôle sur 80 patients. Ces études sont aussi un très faible niveau de preuves et ne méritent pas plus que le niveau 4.


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