lundi 23 septembre 2024

Liberté, Égalité, Fraternité - seulement pour Raoult et les élites françaises

Traduction française de l'article paru dans For Better Science


"Didier Raoult, la fondation Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection (IHU) et Eric Chabrière ont tous décidé de poursuivre Leonid Schneider pour diffamation et insultes, qu'ils prétendent être présentes dans cet article. Ils m'ont également poursuivi, parce que je l'ai traduit en français et mis sur mon blog" - Alexander Samuel

Ceci est un billet d'invité par Alexander Samuel, un activiste français d'origine allemande qui a été poursuivi par Didier Raoult. Le crime d'Alex a été de republier mon article en traduction française, et en fait, Raoult m'a également poursuivi en justice. Les poursuites à mon encontre ont été abandonnées parce que j'ai refusé d'apprendre le français et de déménager en France. Mais malgré cela, Raoult et son IHU Méditerranée Infection à Marseille étaient déterminés à briser Alex et à le faire payer, au sens propre comme au sens figuré. Ils ont perdu.

L'histoire principale n'est cependant pas celle d'un méchant agresseur revanchard, parodie de scientifique, escroc menteur sans morale ni éthique mais atteint d'un complexe pathologique de Napoléon. Il s'agit du système politique, judiciaire et universitaire français qui a non seulement conféré à Raoult un immense pouvoir et un soutien politique jusqu'au président Macron, mais l'a également placé au-dessus de toutes les lois et réglementations françaises. Raoult a également reçu d'énormes quantités d'argent public pour la recherche afin de poursuivre tous ceux qu'il voulait, tandis que lui et ses larbins, comme le troll Eric Chabrière, étaient soutenus par des tribunaux locaux serviles déterminés à punir leurs détracteurs. Y compris la propre fille de Raoult.

Personnellement, je pense qu'Alex Samuel était une sorte d'otage pour faire supprimer mes articles sur For Better Science. Raoult, Chabrière et l'IHU savaient qu'ils ne pouvaient pas m'obliger à me conformer à la loi allemande ou française. Je pense que leurs poursuites apparemment désordonnées contre un tiers étaient destinées à exercer une sorte de chantage. Faire souffrir l'otage, l'obliger à supplier Schneider de supprimer tous les articles sur Raoult, afin que ses bourreaux le relâchent. Et en effet, l'avocat de Raoult a admis devant le tribunal qu'ils avaient poursuivi Alex pour la seule raison de m'atteindre.

Il s'agissait d'une procédure bâillon classique, où l'objectif principal n'est pas de gagner, mais de ruiner financièrement et de réduire au silence l'adversaire. La farce ne s'est arrêtée que parce que l'IHU a fini par cesser de payer pour les poursuites de Raoult. Et ce riche tyran a toujours été trop avare pour investir son propre argent dans des procédures bâillon.

Il n'y a pas que la démocratie française, avec ses valeurs de liberté et d'égalité, qui fasse ici figure de triste plaisanterie. N'oublions pas non plus toutes les victimes en France et dans le monde qui sont mortes pendant la pandémie de COVID-19 à cause de l'antivaxxerie de Raoult et de sa désinformation sur la chloroquine et l'ivermectine, alors qu'il n'a souffert d'aucune conséquence pour tous ses méfaits. Malgré toutes les enquêtes criminelles qui ont été ouvertes contre lui en 2022-2023 et qui n'ont manifestement mené à rien.

Pour rappel, la « punition » de Raoult a été sa mise à la retraite forcée avec pension et avantages complets en tant que directeur de l'IHU et professeur à l'université d'Aix-Marseille en 2022, à l'âge de 70 ans.

Raoult compte actuellement 16 rétractations (la base de données de Retraction Watch en recense 15). Aucune d'entre elles ne concerne des essais dangereux et illégaux sur la COVID-19, mais ses études microbiologiques plus anciennes qui n'ont pas été approuvées sur le plan éthique. Même dans ce cas, le nombre de rétractations aurait dû être beaucoup plus élevé : Raoult a continué à recycler le même numéro d'accord éthique inadéquat pour des centaines d'études cliniques pendant de nombreuses années, parce que son université d'Aix-Marseille n'y voyait pas d'inconvénient. Aucun responsable ne s'en est jamais soucié. C'est ainsi que fonctionne la France.

Alex Samuel va maintenant vous parler des procès intentés par Raoult contre lui et d'autres personnes.

La France fonctionne-t-elle vraiment comme ça ?

Par Alexander Samuel

Alors que l'Italie a interdit For Better Science à cause de gastro-entérologues malhonnêtes, une autre affaire impliquant ce même site web a été portée devant les tribunaux français, plus précisément à Marseille, en France. Il s'agit d'un article publié en mars 2021, sur le génie français de l'hydroxychloroquine Didier Raoult.

Didier Raoult, l'IHU et Eric Chabrière ont décidé de poursuivre Leonid Schneider pour diffamation et injures, qu'ils prétendent avoir repérées dans cet article. Ils m'ont également poursuivi parce que j'ai traduit cet article en français et que je l'ai mis sur mon blog

Les lecteurs ne me connaissent peut-être pas car j'écris principalement en français, et certains éléments que je publie sont bien trop locaux et spécifiques, parfois uniquement sur les réseaux sociaux, comme celui du chercheur d'Aix-Marseille Université et du CNRS, Jean-Marc Sabatier (voir les tweets ici et ici). Ce rédacteur en chef de trois revues Bentham a récemment publié un livre antivax (qu'il défend ici) suggérant que les vaccins COVID-19 sont en fait une conspiration visant à dépeupler la planète en tuant le plus grand nombre possible...

Je travaille souvent avec des détectives comme Lonni Besancon et Fabrice Frank, et je coécris parfois des articles répondant à des questions amusantes comme « Pourquoi l'article qui a conduit à l'utilisation généralisée de l'hydroxychloroquine dans le COVID-19 devrait être rétracté ». 

Ce billet est une bonne occasion de retracer mon travail sur l'affaire IHU / Raoult. Lorsque la pandémie a commencé, j'étais déjà un militant, et j'avais un réseau d'amis parmi le mouvement des gilets jaunes en France. Je travaillais sur les gaz lacrymogènes et je me suis fait des amis lors des manifestations contre la loi sur l'extradition de 2019 à Hong Kong. Ils m'ont aussi parlé des journalistes chinois qui ont disparu au début de la pandémie. On m'a demandé d'aider à diffuser les bons messages de santé publique, notamment en étant "plus optimiste", car les gens voulaient guérir. J'avais entendu parler de la magie de la chloroquine sur les réseaux sociaux, et d'ailleurs, Gautret et al. 2020 venait d'être publié. Au début, j'étais optimiste, mais le journaliste français Florian Gouthière a écrit un billet de blog à propos de cet article scientifique, le qualifiant de « fragile ». En tant que biologiste moléculaire, j'ai commencé à disséquer les données qPCR dans le tableau supplémentaire et j'ai remarqué que le seuil qPCR était apparemment différent entre les groupes de contrôle et de traitement. C'est devenu une évidence en regardant la dynamique du nombre de cycles au fil des jours. Mais c'était trop technique pour être expliqué aux journalistes, les rédacteurs en chef ne s'intéressaient pas à mon histoire, ils ont plutôt invité Perronne et Raoult, tous les médias étaient autour d'eux. J'ai donc commencé par l'expliquer à mes amis sur les chaînes youtube des gilets jaunes. Finalement, ce trucage du nombre de cycles de PCR a été confirmée par les techniciens de l'IHU un an plus tard.

Une grande partie de mon activité consistait à contrer la désinformation et à expliquer la fraude scientifique au grand public, en citant d'excellents travaux - souvent trouvés sur For Better Science - de diverses personnes comme Smut Clyde (David Bimler), Alexander Magazinov ou Elisabeth Bik. Je dois admettre que j'ai fait une grosse erreur dans un fil de discussion sur Twitter où je voulais détailler ces questions de qPCR : trop concentré sur l'explication, j'ai omis de citer le travail original d'Elisabeth Bik comme ma source pour les duplications d'images que je présentais pour donner du contexte en introduction, montrant comment les papiers signés par Didier Raoult avaient souvent des problèmes. C'est donc une bonne occasion de rappeler qu'il n'y a pas grand-chose à gagner en luttant contre la méconduite scientifique, et qu'il est donc important de toujours citer la personne qui a fait le travail et qui a repéré une fraude potentielle en premier. 

Leonid et moi avons obtenu gain de cause, de sorte que tout le monde peut lire et partager l'article, qui ne sera pas supprimé comme Didier Raoult l'avait demandé. Mais comment nous en sommes arrivés là et à quel prix est un point intéressant pour comprendre « comment fonctionne la France ».

Les questions de procédure

Sachez, en préambule, que je ne suis pas un spécialiste du droit, il s'agit simplement de mon compte rendu de ce que j'ai compris auprès d'experts, donc libre à vous de commenter et de corriger toute erreur ou mauvaise interprétation de ma part.

En France, les affaires de diffamation et d'injure relèvent du droit pénal et non du droit civil. Toute personne est libre de considérer un contenu comme une diffamation et peut poursuivre la personne qui a tenu ces propos. Après avoir déposé une plainte, le plaignant est censé payer une consignation pour éviter les procédures abusives. Si cette consignation n'est pas versée à temps, l'affaire est censée être abandonnée. Le plaignant récupère son argent si l'affaire aboutit. La mise en examen est presque automatiquement la conséquence d'une plainte, qu'elle soit valable ou non.

Dans notre cas, Eric Chabrière n'a pas payé sa consignation de 3000 € et le juge a classé sa plainte. Mais après 2 mois, Didier Raoult et l'IHU n'ont pas non plus payé leurs consignations respectives de 3000 € et 6000 €. L'affaire aurait dû être abandonnée à ce stade. Mais elle s'est poursuivie malgré tout et ils ont payé les consignations plus tard. Dans de tels cas, l'accusé a le droit de s'opposer, pendant l'enquête préliminaire. Ma mise en examen a débuté le 18 juillet 2022, mais je n'ai pas pu m'y opposer parce que le juge a ouvert et clôturé l'enquête pendant les deux semaines où mon avocat était en vacances d'été. Après cela, il était trop tard pour qu'une opposition puisse être prise en considération. 

Une première enquête pour identifier les auteurs a abouti à des questions posées à Leonid et à moi-même. J'ai répondu en disant que je venais de traduire l'article de Leonid sur mon propre blog. Leonid n'a pas répondu. J'ai été mis en examen, mais il a été décidé de ne pas mettre en examen Leonid, peut-être parce qu'il vit à l'étranger.

La plainte et la mise en examen ont été utilisées par des groupes de harcèlement en ligne contre moi et Leonid, et même citées comme preuve que nous étions des harceleurs en ligne. Il y a eu des articles dans des blogs conspirationnistes très visités qui ont suscité beaucoup d'engagement, et ici quelques trolls liés à l'IHU sur Twitter :

Voir les sources : 1, 2, 3, 4




Mon avocat, maître Mokhtar Abdennouri, a fait un travail fantastique malgré ces obstacles et bien d'autres. Il a parcouru les documents administratifs et a remarqué que la personne qui représentait légalement l'IHU, à savoir sa présidente Yolande Obadia, n'était en fait pas habilitée à le faire. Pour l'anecdote, elle a par la suite plaidé coupable de « prise illégale d'intérêt » car l'institut IRD dirigé par son mari Jean-Paul Moatti a versé 300 000 euros à l'IHU qu'elle dirigeait. Obadia est également l'une des plus proches amies de Didier Raoult (selon Ariane Chemin). Mon avocat a envoyé ses conclusions et le lendemain, l'IHU a abandonné ses poursuites contre moi.

En octobre 2023, Victor Garcia en parle dans L'Express et interroge l'institut. Leur réponse a été encore plus ferme : l'IHU ne soutiendrait plus aucune action en justice concernant Raoult, considérant qu'il s'agissait d'une affaire privée. À mon avis, cela arrange bien l'institut, après tout ce qui s'est passé pendant la pandémie. Je savais que le harcèlement allait se poursuivre en ligne contre moi et que j'aurais encore plus de frais juridiques à payer pour ma défense contre Didier Raoult.

Au tribunal, son avocat Brice Grazzini a demandé un report de l'audience pour lui donner plus de temps pour se préparer, et le juge a accordé une année entière malgré nos protestations. 

Procédures bâillon

Didier Raoult a annoncé publiquement, lors d'une conférence de presse, qu'il avait obtenu 95 400 euros de l'IHU pour engager des actions en justice contre ses détracteurs. En effet, il existe une protection juridique pour les employés en ce qui concerne les frais de justice pour défendre des affaires liées à leur travail. En général, cette protection est utilisée à des fins défensives. Mais le financement par l'IHU des poursuites privées de M. Raoult n'était pas légal. 

Tout d'abord, dès 2015, un rapport de l'IGAS a déclaré que la situation de Didier Raoult en tant que directeur de l'IHU et en même temps membre du conseil d'administration était illégale. M. Raoult a fait appel à des avocats pour faire valoir que ce n'était pas un problème : puisqu'il n'était pas rémunéré pour siéger au conseil d'administration, il ne pouvait pas être accusé d'exercer deux fonctions en même temps. Le salaire n'est évidemment pas la raison principale qui rend la situation problématique : en tant que membre du conseil d'administration, on vote l'allocation du budget (à soi-même), on nomme le directeur (à soi-même), etc...

Or, la première vague de procès de Raoult a été financée sans même demander l'avis du conseil d'administration, et décidée par son amie Yolande Obadia, seule. La situation a été corrigée par la suite par le recteur de l'académie de Marseille, chargé de vérifier la régularité des décisions du conseil d'administration de l'IHU (le contrôle du recteur était déjà recommandé dans le rapport de 2015). Un vote a eu lieu le 23 novembre 2021 et il a été décidé d'accorder à Raoult 80 000 € supplémentaires, le conseil d'administration ayant voté en faveur de cette décision par 13 voix contre 5. Cela signifierait que Raoult lui-même a participé à ce vote puisqu'il n'y a que 18 membres au conseil d'administration, lui compris. Enfin, dans le rapport 2022 de l'IGAS, il est indiqué que la nomination de membres du conseil d'administration comme Raoult ou Georges Leonetti, alors doyen de la faculté de médecine d'Aix Marseille Université, n'était pas conforme aux statuts de l'IHU. 

Armé de ces énormes sommes d'argent public qui lui permettent de poursuivre en privé qui bon lui semble, Didier Raoult a entamé de multiples actions contre :

  • Karim Ibazateme, directeur de la transparence clinique et de la divulgation des données chez Arcus Bio. C'est Karim Ibazateme lui-même qui a d'abord poursuivi Raoult au sujet des essais cliniques sur l'hydroxychloroquine. Après avoir reçu cette plainte, le tribunal de Marseille a décidé de la classer sans suite, au motif que les enfants n'étaient inscrits que dans le groupe placebo. Cependant, la conférence nationale des comités de protection des personnes a communiqué sur cette décision de justice en pointant des contradictions. D'autres spécialistes ont également noté que Didier Raoult avait d'abord demandé une autorisation, puis publié une "étude observationnelle" après un refus, comme l'a raconté Florian Gouthière dans un article de presse. Quoi qu'il en soit, Didier Raoult a poursuivi Ibazateme en retour. Il existe une discussion plus longue de cette affaire par Guillaume Limousin sur X/twitter. 
  • Martin Hirsch, directeur des hôpitaux de l'APHP Paris. Juste après la première vague de COVID-19, les responsables politiques français ont lancé une enquête parlementaire en juin 2020. M. Raoult a bien entendu été invité. Initialement, une audition contradictoire avec d'autres experts était prévue, mais Raoult a refusé et a obligé le parlement à l'a interroger seul. Raoult affirma malhonnêtement qu'il n'avait jamais recommandé l'hydroxychloroquine, tandis que de nombreux politiciens exprimèrent leur soutien à Raoult avant de lui poser des questions flatteuses. Raoult a affirmé que Marseille (16% de mortalité chez les patients hospitalisés) faisait beaucoup mieux que Paris (43% de mortalité chez les patients hospitalisés), ce qui a incité Martin Hirsch à envoyer une lettre au président du Parlement pour contester ces chiffres. C'est pourquoi Raoult l'a poursuivi en justice.
  • Karine Lacombe, professeur de maladies infectieuses à l'APHP Paris. Un procès que Raoult a perdu, mais dont il a fait appel : une affaire liée à celle de Hirsch, car Lacombe a affirmé que Raoult avait menti devant la commission. L'article de Marine Delrue dans Libération explique que Raoult a faussement prétendu sur Twitter que Lacombe a été reconnue coupable au tribunal mais qu'elle a été acquittée parce qu'elle était de bonne foi. En réalité, les propos de Lacombe reposaient sur une base factuelle suffisante : la "bonne foi" juridique exige cela et ne peut être confondue avec le sens courant de "bonne foi".
  • Jean-Paul Stahl, professeur d'infectiologie à l'université de Grenoble. Raoult a poursuivi Stahl pour diffamation car il l'avait accusé d'avoir trafiqué ses résultats sur l'hydroxychloroquine et d'avoir raconté des "fadaises". Raoult a perdu le procès et a été condamné à verser 1000 € à Stahl.
  • Patrick Bouet, alors président de l'Ordre des médecins, qui a d'abord poursuivi Raoult. Raoult l'a ensuite poursuivi pour harcèlement.
  • Dominique Martin et l'ANSM (Agence nationale de sécurité du méciament et des produits de santé, dont Martin était le directeur général) pour « mise en danger de la vie d'autrui » et « prise illégale d'intérêts », en rapport avec les décisions de l'ANSM concernant les prescriptions d'hydroxcychloroquine et de Remdesivir.
  • François Crémieux, directeur des Hôpitaux de Marseille (AP-HM), d'autres membres de l'AP-HM ainsi que Mediapart.
  • Elisabeth Bik et Boris Barbour (de PubPeer) pour des faits présumés de harcèlement et de chantage relatés dans ce billet. Ces affaires ont été classées.
  • Guillaume Limousin pour diffamation, parce qu'il a dit, en tant que professeur de mathématiques, que Didier Raoult faisait des erreurs de mathématiques de niveau collège. Didier Raoult a perdu ce procès mais a fait appel.
Une fois qu'une telle procédure est entamée, l'enquête démarre lentement, ce qui demande beaucoup de temps et d'énergie, quelle que soit l'issue, pour l'accusé. Les accusés doivent faire appel à un avocat, ce qui est préférable même s'ils peuvent essayer de se défendre seuls. Le remboursement de tous ces frais n'est pas garanti. Dans la plupart des cas, ils ne sont que partiellement remboursés, voire pas du tout. Il s'agit là d'une faille du système judiciaire français : quelqu'un qui n'est pas limité par l'argent peut simplement entamer des poursuites et faire payer à ses cibles des frais coûteux, les noyer financièrement et les réduire au silence par la suite. C'est ce qu'on appelle en France une « procédure bâillon ». Les lanceurs d'alerte n'ont souvent aucune protection contre de telles actions de la justice, malgré quelques lois protectrices récentes qui sont encore difficiles à appliquer. J'ai essayé d'obtenir le statut de lanceur d'alerte, mais le « défenseur des droits », la seule personne capable d'accorder ce statut, a refusé de me voir ou de m'entendre. 

Raoult m'a demandé de payer 20 000 euros pour le préjudice et 10 000 euros pour les frais de justice, et de me condamner à payer 1000 euros par jour si je ne retire pas l'article de mon blog.

Un jour avant le procès, Didier Raoult s'est désisté de sa plainte. Cela rend juridiquement encore plus difficile ma demande d'indemnisation pour mes frais de justice. Le tribunal statuera et publiera son verdict le 18 octobre 2024. J'ai peut-être perdu 5400 €. Mais ce n'est que de l'argent. Les personnes qui sont mortes pendant la pandémie à cause de la désinformation, de la fraude scientifique et d'autres formes d'exploitation de la pandémie ne reviendront pas.

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait abandonné l'affaire, l'avocat de Didier Raoult a expliqué qu'il ne s'en prenait pas à moi, mais à Leonid. Mon avocat a répliqué en disant "pourquoi continuer à poursuivre Alexander Samuel en 2022 alors que Leonid Schneider n'était plus dans l'affaire ?" Olivier Hertel a également couvert l'affaire, concluant qu'on ne peut pas qualifier des phrases comme celles-ci de diffamatoires : « Raoult a organisé un essai clinique illégal avec de vrais patients pour prouver que la chloroquine était efficace ». 

Voyons quelques faits qui n'ont pas été discutés au tribunal.

Auteur ou pas ?

Sur l'article de mon blog, qui utilise la plateforme « Blogger », il y a une mention « écrit par », insérée automatiquement lorsqu'on publie un texte. Grazzini a prétendu que j'étais « l'auteur direct », ou que je « m'approprierais » le texte écrit par Leonid. En fait, j'ai demandé à Leonid si je pouvais traduire et publier son article, avec ses mots.

Mais les tribunaux français prennent parfois des décisions étranges. J'ai rencontré Magali Carcopino, la fille de Didier Raoult, et elle a accepté de m'aider à rédiger un article sur For Better Science. Plus tard, elle a accusé Eric Chabrière, déjà signalé comme « libre de harceler les critiques de HCQ » par Times Higher Education, de la harceler en ligne avec un compte anonyme appelé « Le professionnel ». Après avoir démontré au tribunal que le numéro de téléphone utilisé pour créer ce compte était bien celui de Chabrière, le juge a décidé que, puisque le numéro de téléphone de Chabrière se trouvait également sur un pdf public dans un sous-domaine du site web de l'IHU, n'importe qui aurait pu utiliser ce numéro pour créer ce compte, et qu'il ne s'agissait pas d'une preuve que Chabrière lui-même l'avait fait (lire également les shorts de janvier 2021 et de mai 2023). Manifestement, le fait que l'on reçoive un code de confirmation sur son téléphone pour enregistrer un compte sur Twitter n'a pas vraiment été pris en compte. Finalement, Magali a été condamnée à verser 2000€ à Chabrière à titre de dédommagement (et son mari, qui était également plaignant, a également dû payer 2000€).

Base factuelle

Je ne reproduirai pas l'intégralité de l'article accusé d'être diffamatoire, les lecteurs peuvent consulter l'article original pour se faire leur propre opinion.

Le 2 mars 2012, Didier Raoult est au centre de l'attention du magazine Science. On y apprend que Raoult a été interdit de publication dans les revues de l'ASM pour fausse déclaration de données. Elisabeth Bik a également trouvé des duplications d'images dans les articles de Raoult. Les journalistes ont également souligné que cette faute était bien connue de la communauté scientifique, rappelant des rapports et une tribune publique. Pierre Ouzoulias, sénateur français, a même déclaré que les nouvelles lois contre la fraude scientifique ont été adoptées à cause de Raoult, qu'il a qualifié de tricheur. Peut-on, sur une telle base, parler de « données faussées » ?

Le 28 octobre 2021, un article de presse parlant d'essais sur la tuberculose indiquait que des essais illégaux avaient causé de graves complications et que ces prescriptions se poursuivaient à l'IHU. Ces essais ont débuté en 2017 et ont même provoqué des complications rénales et une hématurie chez un patient tchétchène de 17 ans. Mais intéressons-nous aussi à la pandémie de covidie. Même si le nom de Didier Raoult n'est jamais cité dans une communication de l'Agence de régulation du médicament (ANSM), intitulée « Protocoles de recherche clinique illégaux, prescriptions hors AMM injustifiées », la dérive de certains médecins (non nommés) y est décrite. Un rapport de l'ANSM datant de 2022 signale que l'agence a reçu de faux documents pour justifier les essais cliniques. Une enquête a été ouverte pour « faux documents », « usage de faux documents » et « recherche interventionnelle impliquant une personne humaine non justifiée par sa prise en charge habituelle ». Mais pire, depuis 1993, 30 ans d'expérimentations sauvages sur l'être humain, en particulier sur des personnes vulnérables comme des SDF, ont été décrits dans un article du point.

La discussion autour de l'étude observationnelle sur l'hydroxychloroquine, qui avait demandé un accord éthique qu'elle n'a pas obtenu, mérite également d'être mentionnée ici. Mais je pense que le document le plus frappant est l'évaluation de l'IHU par l'IGAS en 2022 (dont un résumé existe en anglais ici) : à propos des prescriptions COVID-19 d'hydroxychloroquine/azithromycine/zinc et d'ivermectine, ou de certaines études à l'IHU, « ces faits sont de nature à être considérés comme des infractions pénales ». Peut-on parler d'« essais cliniques illégaux » dans un tel cas ?

Ce même rapport explique que les données de Nice ont été utilisées comme contrôle dans l'étude de Gautret et al 2020 : 34 patients avaient un résultat de PCR, mais seulement 6 ont été utilisés. La légende du tableau indique que les résultats de PCR avec un Ct égal ou supérieur à 35 sont négatifs. Or, des résultats avec des Ct de 38 ou 40 ont été transcrits comme positifs sur les données de l'IHU. Confronté à cette information lors d'une émission télévisée, le vice-président de l'IHU, Louis Schweitzer, a répondu « oui, sans aucun doute » lorsqu'on lui a demandé s'il s'agissait d'une fraude. Des incohérences ont également été constatées et décrites dans un article relu par des pairs entre la première publication de ces résultats en 2020 et une mise à jour en 2021. Peut-on parler d'« essais cliniques falsifiés » lorsque cela se produit ?

Certains « vieux rapports » sur l'IHU ont fait surface pendant la pandémie. Mais le plus emblématique n'a pas été rendu public. Ce rapport de 2017 fait état de « données falsifiées », de « harcèlement sexuel et moral » dû au « management autocratique ». 8 personnes ont reçu ce rapport à cette époque, dont Frédérique Vidal, ministre de la recherche (et de la duplication de gel), Yvon Berland, président d'Aix Marseille Université, et Jean-Olivier Arnaud, directeur de l'AP-HM. Rien n'a été fait.

Une lettre anonyme s'est également plainte de harcèlement, et une visite du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a confirmé le cas de harcèlement sexuel, ce qui a ensuite conduit à la condamnation d'Eric Ghigo (lire ici et ici). Ces éléments ont tous été confirmés dans le rapport 2022 de l'IGAS. Didier Raoult a été informé en 2015 mais n'a rien fait malgré les lois françaises l'obligeant à agir (article 40). Il a même plaisanté à ce sujet en 2018, en disant “Je vous remercie d’avoir décrit ce lieu comme un lupanar. J’ai fait installer un distributeur de capotes anglaises”. Lors d'une émission télévisée d'investigation française, les commentaires de Raoult sur la victime ont également été cités : « La timidité n'était pas son trait de caractère le plus remarquable », “professionnellement parlant, elle avait la réputation de passer sa journée au café”, “scientifiquement, ce n'est pas une star”, et lorsqu'on lui demande si les victimes auraient pu mentir, sa réponse est “je pense que oui pour Mme X”. Qu'en est-il du fait de parler d'intimidation et de couverture de harcèlement sexuel au regard de ces faits : peut-on parler de diffamation si c'est le cas ?

L'article incriminé portait principalement sur les révélations de Christian Lehmann. Elles sont détaillées dans le post original, mais rappelons les faits. Tout d'abord, le 23 mars 2020, une loi française a été votée pour réserver l'hydroxychloroquine aux patients hospitalisés et éviter les prescriptions massives. A l'IHU, les patients sont alors hospitalisés pour une journée (« hospitalisation de jour »), et plus de 40% des hospitalisations de jour en France se font dans les Hôpitaux de Marseille en 2020 (1% des hospitalisations de jour s'y faisaient l'année précédente).

Selon Ariane Chemin, cela s'est fait avec la complicité du président français Emmanuel Macron et d'Olivier Véran, ministre de la santé à l'époque, qui a rassuré Didier Raoult sur le fait qu'il n'y aurait pas de contrôle à l'IHU. Anne Jouan a interrogé des sources anonymes à l'ANSM dans son livre, elle a également rapporté que le président et le ministre de la santé ont interféré pour arrêter des enquêtes qui auraient pu être faites début 2020 à l'IHU. Ces hospitalisations ont coûté très cher (plus de 1200 € selon Lehmann). Malheureusement, ce n'est qu'en juin 2023 que l'IHU a été perquisitionné par les autorités pour une enquête sur le « plus grand essai sauvage de l'Histoire » selon les sociétés scientifiques et médicales françaises qui ont cosigné une tribune (lire aussi Shorts de septembre 2022). A mon avis, la définition d'une « gigantesque escroquerie criminelle » est très proche de celle du « plus grand essai clinique illégal de l'Histoire ». 

Concentrons-nous sur les études de Didier Raoult sur l'hydroxychloroquine, étant donné qu'une nouvelle a été publiée récemment dans une revue prédatrice. Ces études affirment systématiquement que l'hydroxychloroquine est efficace, sur la base de résultats obtenus auprès de patients de l'IHU. Il est intéressant de noter que le fait que les patients présentant des symptômes légers aient été comptabilisés comme hospitalisés permet de prétendre que les résultats sont meilleurs que dans le reste du monde. De nombreux biais ont été décrits dans chaque étude publiée sur ce sujet par Raoult et ses coauteurs. Dans cette dernière, un commentaire intéressant de Thomas Kesteman sur PubPeer suggère que les résultats sont en fait non significatifs.

Je ne comprends toujours pas, avec toutes ces preuves, comment Didier Raoult a pu imaginer qu'il pourrait gagner un procès contre moi. Pourtant, je crains qu'il n'entame à nouveau une action en justice contre moi, et qu'il ne l'abandonne à nouveau à la dernière minute. C'est ainsi que l'on peut intimider et faire taire les critiques en France.

L'affaire Lega

Didier Raoult ne s'est pas présenté au tribunal pour m'attaquer. Mais deux jours plus tôt, il avait eu le temps d'aller sur le média conspirationniste français « France Soir ». Ce journal français, autrefois célèbre, a été racheté par Xavier Azalbert, qui en a fait un blog conspirationniste. Ce même Azalbert fait partie d'un groupe qui harcèle un professeur de médecine à Lyon, Jean-Christophe Lega.

Lega a publié un article au début de cette année, estimant le nombre de personnes décédées à la suite de prescriptions d'hydroxychloroquine dans les hôpitaux au cours de la première vague dans 6 pays pour lesquels des données sont disponibles (entre 3 000 et 30 000 décès). Raoult a attaqué l'article de Lega lors d'une émission de télévision française critiquée pour sa promotion de l'idéologie d'extrême droite et des théories conspirationnistes (y compris les absurdités de l'adrénochrome). Une campagne de harcèlement a été lancée contre Lega, avec des menaces juridiques contre le rédacteur en chef du journal et des manifestations devant l'hôpital de Lega, tandis que France Soir d'Azalbert comparait Lega à des nazis. Le harcèlement s'est poursuivi avec des attaques contre Mathieu Molimard qui a défendu la publication de Lega publiquement : il a reçu de nombreuses lettres de menaces et messages de haine, et s'est plaint de n'avoir pratiquement aucun soutien institutionnel.

La pression s'est même internationalisée sur l'étude de la Lega, avec l'envoi de lettres à l'éditeur en provenance de différents pays. Il est intéressant de noter qu'au Brésil, une vaste enquête criminelle a eu lieu, impliquant le président Jair Bolsonaro, dans laquelle Didier Raoult est mentionné. Une entreprise privée du secteur de la santé, « Prevent Senior », a mené de vastes essais cliniques clandestins, basés sur le protocole de Didier Raoult. L'hydroxychloroquine a également été utilisée par des réseaux d'extrême droite qui ont gagné des millions grâce à ses ventes illégales. Tous ces acteurs s'exposeraient à de lourdes conséquences et de nombreux médecins dans le monde ont tout intérêt à bloquer tout article estimant le nombre de décès que l'hydroxychloroquine aurait pu causer.

L'article de la Lega a finalement été rétracté, mais l'avis a soulevé de nombreuses questions : il semble qu'il ait été retiré sous la pression et sans avoir fait l'objet d'une procédure régulière de publication de lettres à l'éditeur et des réponses.

Ceci n'est pas sans rappeler la première publication de Raoult, Gautret et al 2020. En fait, Didier Raoult a proféré des menaces juridiques à l'encontre de l'éditeur Elsevier pour empêcher la rétractation de son étude, qu'Elsevier avait prévue sur la base du rapport de Fritz Rosendaal. La preuve en a été divulguée dans un épisode de l'émission d'investigation « Enquête Exclusive ». Aucune autorité française ne s'est souciée de la lettre ouverte signée par des centaines de scientifiques qui s'inquiétaient de ces menaces juridiques.

Ecoutons Didier Raoult ?

Il est toujours possible que Didier Raoult ait raison sur certains points. Il ne peut pas toujours se tromper. Je pense qu'il y a des éléments assez intelligents dans ses propos, notamment lorsqu'il critique l'étude de Lega qui n'attribuerait que 17 000 décès à l'hydroxychloroquine en moyenne, sous-estimant largement le « succès » de Raoult. Raoult dit d'ailleurs que John Ioannidis est le numéro un mondial car il publie beaucoup, son indice H est supérieur à 200, on peut lui faire confiance. 

Écoutons donc Ioannidis et faisons-lui confiance comme le fait Raoult :

« Il y a probablement un effet de cohorte et un effet de ce que nous avons fait de manière erronée pendant la première vague. Nous avons publié un article dans Nature Communications, qui est une méta-analyse internationale des essais sur l'hydroxychloroquine. Nous montrons une augmentation significative de la mortalité, nous avons probablement tué une centaine de milliers de personnes avec l'hydroxychloroquine, en tant que traitement, au niveau mondial ».

Cet article est celui que le professeur Lega a utilisé pour estimer la mortalité due au traitement à l'hydroxychloroquine chez les patients hospitalisés au cours de la première vague. Il s'agit d'une surmortalité de 11 % (OR 1.11, 95% CI : 1.02, 1.20 ; I² = 0% ; 26 essais ; 10.012 patients). 

Raoult a également déclaré dans une prépublication hébergée par l'IHU que grâce à son article de 2020, celui pour lequel il a menacé Elsevier afin qu'il ne soit pas rétracté, la moitié du monde prenait de l'hydroxychloroquine :

« Il convient de noter que cet article est aujourd'hui de loin le plus cité dans la littérature sur le traitement du COVID-19, dépassant les 1600 citations dans Google Scholar. Grâce à cet article, la moitié de la population mondiale bénéficie désormais d'une recommandation d'hydroxychloroquine avec ou sans azithromycine, ce qui concerne actuellement plus de 4,5 milliards de personnes ».

Je comprends que Didier Raoult ne soit pas d'accord avec le professeur Lega. Il veut être crédité du traitement à l'hydroxychloroquine dans le monde entier. Il dit également que nous devrions faire confiance à Ioannidis. Ioannidis nous a dit que l'hydroxychloroquine entraînait une surmortalité de 11 %. Si l'on prend les décès estimés à ce jour dans le cadre du COVID-19, soit environ 7 millions de personnes, cela représente 770 000 décès. C'est un score bien plus élevé que 17 000.

Malheureusement, il semble que le système judiciaire français ne progresse pas rapidement dans l'affaire de l'IHU. Les tribunaux sont-ils submergés de procédures bâillons ?

La politique peut jouer un rôle. Le 21 septembre 2024, le nouveau Premier ministre français Michel Barnier a annoncé son nouveau cabinet. Patrick Hetzel sera le nouveau ministre de la recherche. Il est intéressant de noter qu'il a été l'un des premiers soutiens de Didier Raoult, envoyant une lettre ouverte au président Macron, lui demandant d'autoriser et de soutenir l'hydroxychloroquine, l'azithromycine et le zinc en tant que traitement du COVID-19. Il a même partagé en ligne une pétition lancée par l'ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy, avec Christian Perronne (maître du protocole de la maladie de Lyme à base de chloroquine) et Martine Wonner (une conspirationniste française connue).

Douste-Blazy regrette aujourd'hui sa pétition, mais Hetzel ne semble pas avoir encore émis de critiques. Il a préféré critiquer la campagne de vaccination française de juillet 2021 car les vaccins étaient encore en phase 3 d'essai clinique à cette époque.

Essais cliniques illégaux ?

Un jour avant mon audience au tribunal, lorsque Didier Raoult a abandonné le procès qu'il avait intenté il y a 3 ans contre moi, son bon ami et successeur Pierre-Edouard Fournier (lire à son sujet dans Shorts de juillet 2022) a fait une drôle d'action. Il dirigeait le comité d'éthique ad hoc selon le rapport IGAS 2022. Il était également rédacteur en chef d'une revue favorable à Raoult. C'est le même accord du comité d'éthique qui est énoncé dans 249 publications comme décrit dans l'article de Fabrice Frank que j'ai eu l'honneur de co-écrire, intitulé « Raising concerned on questionable ethical approvals - a case study of 456 trial from the Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée Infection ».

Mais soudain, Fournier est devenu un lanceur d'alerte au sein des hôpitaux de Marseille (AP-HM), rapportant aux autorités sanitaires françaises les dernières recherches jugées illégales de Didier Raoult. Je pense qu'il s'agit là de la meilleure illusion à la française. 

Je me demande s'il y aura des comptes à rendre à un moment ou à un autre dans cette histoire. L'homme politique Christian Estrosi, qui s'est donné en spectacle pour soutenir l'hydroxychloroquine tout en se vantant que Didier Raoult était son ami, a été promu officier de la Légion d'honneur au début de l'année 2021. Hervé Cael, qui a créé un site internet intitulé « in chloroquine we trust » et soutenu Didier Raoult, a été nommé président de l'ordre des médecins de la région Provence Alpes Côte-d'Azur (où se trouve Marseille) en février 2022. Renaud Muselier, président de la région, est également membre du conseil d'administration qui a voté les fonds pour le procès de Didier Raoult. Il a déclaré que Didier Raoult avait sauvé sa mère pendant la pandémie. Il est également un ami très proche de Raoult, une amitié qui a débuté alors qu'ils étaient tous deux étudiants en médecine.

Eric Berton, président de l'université d'Aix-Marseille (AMU), a également déclaré qu'il n'était pas responsable lorsqu'il a été accusé d'inaction. En fait, il n'était pas si inactif que cela : il semble avoir transmis des courriels de lanceurs d'alerte à Eric Chabrière, qui les a utilisés en ligne pour exposer les dénonciateurs au harcèlement et aux menaces. Autre fait amusant concernant le coordinateur du comité d'éthique d'AMU : Audrey Zeitoun-Calvo semble utiliser la déclaration d'Helsinki comme un moyen d'émettre des menaces juridiques pour défendre les scientifiques qui ont publié de fausses données scientifiques. 

Tant de personnes auraient pu faire quelque chose pour arrêter les essais cliniques à l'IHU, pour empêcher la propagation de toutes ces absurdités. Jacques Robert a écrit la « trahison des tutelles ». A mon avis, c'est très juste comme titre. 

Ce qui me fait peur, c'est que des médecins charlatans, des groupes antivax et d'autres théoriciens du complot ont gagné beaucoup d'argent grâce à des dons et utilisent maintenant ce crowdfunding pour entamer des procédures judiciaires contre des médecins respectables. Jerôme Marty et Jerôme Barrière ont dû faire face à ce type d'action. 

Nous n'avons pas beaucoup entendu parler des enquêtes ouvertes sur l'IHU (accusations d'utilisation de documents falsifiés pour justifier des essais cliniques illégaux il y a deux ans, mentionnées plus haut dans cet article, par exemple). Les seuls procès qui ont eu lieu jusqu'à présent sont des procédures qui ont fait perdre du temps, de l'argent et de l'énergie à de véritables lanceurs d'alerte.

Karine Lacombe, Dominique Costagliola, Elisabeth Bik, Guillaume Limousin, Damien Barraud, Lonni Besancon, Nathan Peiffer-Smadja, Thibault Fiolet, Fabrice Frank ont tous été harcelés en ligne. Certains ont même été harcelés juridiquement. 

Je suis fier d'être en leur compagnie. Et j'espère toujours que la France fonctionnera différemment un jour ou l'autre.



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