dimanche 11 octobre 2020

19 Janvier 2018 - Affaire Anne Peyroche

 

Anne Peyroche démise de ses fonctions de présidente intérimaire du CNRS car ses publications sont « remises en question »

ceci est une traduction de l'article de Leonid Schneider

Les événements se sont produits au sein du réseau d’instituts de recherche de l’État français, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Leur présidente par intérim, Anne Peyroche, a maintenant été démise de ses fonctions prématurément en raison de preuves de manipulations de données dans ses articles, publiées sur PubPeer, que j'ai aidé à découvrir. Comme tout le mérite revient à PubPeer (dirigé principalement par deux chercheurs du CNRS), l'annonce ne fait malheureusement pas référence à mon appel à une petite révolution au sein du CNRS, où ces manipulations de données ont été présentées à un public plus large. La lettre officielle que j'ai obtenue est ci-dessous, à la fois en traduction anglaise et dans son original français.


Une autre scientifique directrice de recherche au CNRS, posant des problèmes, Catherine Jessus, qui en tant que directrice de l'Institut des sciences biologiques (INSB) est la biologiste en chef au CNRS, a été acquittée en novembre 2017 par une enquête secrète à l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC) malgré toute cette longue liste de manipulations de données suspectées trouvées dans ses papiers (que j'ai initialement présentés dans cet article). Alors que Peyroche fait face à une enquête disciplinaire de son employeur, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), rien de ce genre ne semble menacer Jessus. Au lieu de cela, les chercheurs du CNRS qui osent protester contre ses lacunes en matière d'intégrité de la recherche sont menacés et terrorisés, par une Jessus furieuse en personne et ses partisans au sommet du CNRS.

Enfin, un Institut de Biologie Moléculaire des Plantes (IBMP) de Strasbourg, particulièrement rongé par les manipulations de données, ancien domicile du légendaire Olivier Voinnet (sur lequel Jessus a autrefois enquêté pour avoir fait les mêmes vilaines choses dans lesquelles elle semble s’être désormais elle-même aventurée) a publié un Code d'éthique et de recherche responsable, qui avertit les auteurs potentiels:

L'IBMP définit la méconduite scientifique comme : "La manipulation sélective, la fabrication ou la falsification de données scientifiques."

Le fait est que la directrice de l'IBMP, Laurence Maréchal-Drouard, avec sa doctorante et maintenant membre titulaire du laboratoire, Thalia Salinas, s'est récemment rendue sur PubPeer pour admettre exactement ce type de méconduite, après que j’aie publié des preuves de manipulations de données dans les nombreuses publications de Drouard et la thèse de doctorat de Salinas.

https://twitter.com/bmstell/status/932302303889186816

L’honnêteté désarmante de Drouard sur PubPeer (ici, ici, ici et ici) a été dûment récompensée par le siège du CNRS à Paris: elle est désormais confirmée à la direction de l’IBMP. Drouard a cependant deux nouveaux adjoints : Magali Daujat et Philippe Giege (mari de Salinas, son propre pédigrée PubPeer ici). Les champions de l'intégrité de la recherche nouvellement installés auront beaucoup de monde qui devra « faire l'objet de sanctions disciplinaires CNRS », dans leurs propres papiers et ceux de leurs collègues de l'IBMP, certains décrits ici. Par exemple cette beauté d'un gel, du laboratoire d'Anne-Catherine Schmit :


Arrière-plan de gel vide, apparemment cloné 5 fois dans Janski et al, Plant Cell 201, source Pubpeer

Le nouveau président par intérim du CNRS est désormais annoncé publiquement comme étant Antoine Petit, par arrêté du président de la République, mis en œuvre par le ministre chargé de la recherche. Dans ce communiqué, Peyroche serait « actuellement empêchée », aucun détail supplémentaire n'est donné. J'ai cependant reçu une lettre du CNRS. Du fait de mes rapports continus sur les manipulations de données CNRS, je reste bloqué par le CNRS sur Twitter, pour limiter la diffusion de l'information. Le CNRS, du ministère français de la Recherche, ne m’a jamais non plus précisé si l’annonce de Jessus selon laquelle le CNRS me poursuivrait en justice était sérieuse. Vous êtes invité à partager cette nouvelle, mais attention au tempérament de Jessus !

Peyroche, à gauche, et Jessus, 3e en partant de la gauche, discutant probablement de la qualité de la science (novembre 2017, source: CNRS).

 

Ce ne sont pas vraiment des artefacts dus à la compression des images dans un article de Peyroche, Le Tallec et al. dans Mol. Cell. 2007 comme certains le soupçonnaient, mais des preuves de manipulations de données. Détails sur PubPeer.

 




CNRS : Antoine Petit président par intérim en remplacement d’Anne Peyroche, dont des publications sont mises en cause

Par René-Luc Bénichou

© Inria / C. Morel Antoine Petit “est chargé d’exercer par intérim les fonctions de président” du CNRS, “en remplacement d’Anne Peyroche”, annonce un arrêté du 17 janvier 2018 de la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, publié au Journal officiel jeudi 18 janvier. L’arrivée d’Antoine Petit au CNRS intervient plus tôt que prévu : sa nomination à la présidence de l’organisme, proposée par le gouvernement, vient à peine d’obtenir un avis favorable du Parlement le 17 janvier et n’a pas encore été entérinée en conseil des ministres (lire sur AEF). Anne Peyroche “se trouve pour l’heure empêchée”, explique le MESRI dans un communiqué. Selon les informations recueillies par AEF, cet empêchement d’Anne Peyroche serait lié au signalement sur le site PubPeer de suspicions de manipulation de données dans 5 publications dont elle est signataire ou cosignataire.

Dans un communiqué diffusé le 18 janvier, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation indique que la nomination d’Antoine Petit à la présidence par intérim du CNRS intervient alors qu’Anne Peyroche “se trouve pour l’heure empêchée”. Anne Peyroche aurait normalement dû occuper l’intérim de la présidence jusqu’à la nomination en conseil des ministres d’Antoine Petit comme président, le 24 janvier.

5 ARTICLES D’ANNE PEYROCHE MIS EN CAUSE DANS PUBPEER

Selon des informations recueillies par AEF, l’absence d’Anne Peyroche serait liée à la mise en cause de plusieurs articles scientifiques dont elle est auteur ou coauteur. En novembre 2017, cinq publications signées ou cosignées par Anne Peyroche ont en effet été signalées sur le site PubPeer. Créé en 2012 et adossé depuis 2015 à la fondation californienne du même nom, ce site se donne pour vocation d’ “améliorer la qualité de la recherche scientifique par le biais d’approches innovantes pour les interactions de la communauté”. En pratique, ses utilisateurs y signalent des articles scientifiques dans lesquels ils ont relevé des anomalies susceptibles d’en affecter les conclusions.

Anne Peyroche apparaît en premier auteur de l’une des publications signalées, datant de 2001, et en dernier auteur (chef d’équipe) de quatre autres publications, parues entre 2003 et 2012. Ces articles sont parus dans les revues Journal of Cell ScienceMolecular CellMolecular Biology of the Cell et Proceedings of the National Academy of Sciences. Les anomalies repérées dans ces cinq publications par les commentateurs portent sur des images expérimentales. Y sont relevées de soudaines ruptures dans les fonds d’image, ou des portions d’image identiques se répétant, pouvant laisser penser selon les commentateurs que les images auraient été manipulées.

Deux réponses ont été apportées par les auteurs, dont une par Anne Peyroche à l’article le plus récent paru en 2012 dans les Proceedings of the National Academy of Sciences. Elle fournit dans sa réponse, datée du 28 novembre, les clichés des autoradiographies originales et apporte des explications sur les anomalies repérées par les commentateurs. Deux d’entre eux ont posté des messages pour la remercier d’avoir fourni ces clichés originaux, l’un des commentateurs ajoutant que “cela lève tout doute qu’ [il] aurait pu avoir”.

LE PARCOURS D’ANNE PEYROCHE

Anne Peyroche, directrice générale déléguée à la science du CNRS depuis janvier 2016 (lire sur AEF), était présidente par intérim du CNRS depuis le 24 octobre 2017, après le départ d’Alain Fuchs à la présidence de PSL (lire sur AEF). Biologiste, elle a commencé sa carrière au CEA – dont elle est toujours employée – où elle a créé sa propre équipe de recherche en 2004, avant de devenir adjointe au chef du service de biologie intégrative et de génétique moléculaire en 2009, puis directrice adjointe en 2013 de l’unité de “génétique moléculaire et destin cellulaire”, associant le CEA, le CNRS et l’université Paris-Sud.

Ses travaux ont été récompensés en 2009 par le prix Victor Noury de l’Académie des sciences (1). Elle est également lauréate du prix Irène Joliot-Curie en 2010, dans la catégorie “jeune femme scientifique” (lire sur AEF).

Elle intègre en 2014 le cabinet de Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, comme conseillère recherche (lire sur AEF), poste qu’elle conserve en 2015 après la nomination de Thierry Mandon au secrétariat d’État (lire sur AEF), avant d’être promue en octobre 2015 directrice adjointe du cabinet, en charge de la recherche (lire sur AEF).

(1) Le nom complet du prix est “Victor Noury, Thorlet, Henri Becquerel, Jules et Augusta Lazare”.

 

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