Didier Raoult et les publications scientifiques
Les journaux scientifiques (travail d'un anonyme sur twitter)
Didier Raoult publie énormément, nous le savons. Mais il ne publie pas n'importe où. Voici un graphique de ses publications, chaque couleur représentant un journal.
Le cas A concerne le journal « New microbes & new Infections » (NMNI), qui a été déjà largement commenté ces derniers jours. On voit ici, dans une perspective temporelle, que le total annuel est fortement influencé par les articles publiés dans cette revue.
D.Raoult a signé plus de 230 articles sur une période de 7 ans dans le journal « New microbes and New infections » (NMNI) , dont l'éditeur en chef, l'éditeur suppléant, et 3 éditeur(trice)s associé(e)s sont membres de l'IHU.
Ce n'est pas du tout une pratique courante dans la recherche. Didier Raoult se hisse clairement en haut du classement des auteurs qui publient une grande partie des articles d'un journal.
Sur plus de 10 millions d'articles analysés et presque autant de scientifiques, seul(e)s environ 3000 d'entre-elles/eux ont publiés plus de 50 articles dans un même journal. D.Raoult fait donc partie de la fraction des 0.03% scientifiques les plus gloutons. Notons que P-E Fournier, éditeur en chef suppléant, prend la superbe 19ème place de ce classement international, grâce à la même revue. Dont il est accessoirement éditeur en chef suppléant et proche collaborateur de D.Raoult. C'est le seul français à apparaître dans le top mondial de ce sombre classement.
Si on s'intéresse au top 20 français :
D.Raoult prend largement la tête du classement et apparaît trois fois dans ce top 20. Plus intéressant encore est la présence de deux autres membres de l'IHU. P-E Fournier mais aussi P Gautret avec la revue "Travel Medecine and Infectious Diseases", journal dont il est éditeur associé. Une belle récolte de médailles pour l'IHU. Il n’y avait sans doute pas besoin de pousser si loin l’analyse pour souligner la singularité du phénomène. Mais le fait que D.Raoult & NMNI apparaissent spontanément dans ce classement fait à l’aveugle montre l’absurdité totale de la situation.
Pour le pic de l’année 2016, on note 105 articles cosignés par D Raoult ce qui représente 60.7% des articles du journal. Cette année là, en ouvrant au hasard ce journal, vous avez plus de chance de tomber sur un article cosigné par D Raoult qu’un article sans son nom. 5 collaborateurs de D Raoult sont dans le comité éditorial dont M Drancourt chef de service à l’IHU et éditeur en chef du journal, ainsi que PE Fournier, PU-PH au sein de l’institut et co-éditeur en chef. On note aussi la présence de 3 éditeurs associés membres de l’IHU.
Le cas B concerne le journal « Clinical Microbiology and Infections ». On y observe 57 articles pour la seule année 2009, et l’absence presque totale d’articles les années antérieures et postérieures.
L’intégralité des 57 articles est publiée dans un seul volume (Dec;15 Suppl 2) et fait suite à un congrès international sur les Rickettsies organisé à Marseille cette année-là (le genre de bactéries dont D Raoult est spécialiste). Le journal était associé à l’événement dans ce qu’on appelle des
actes de conférence. L’inscription à certaines conférences permet en effet de proposer un article qui peut être référencé sur Pubmed. Le processus de revue par les pairs est en général très succinct, voir inexistant. C’est un genre de faveur qui est accordée aux participants. C’est une pratique courante mais la prévalence des articles cosignés par D Raoult interroge dans ce cas (57/152 soit 37.5% des actes de conférence).
En accédant aux articles cosignés par D Raoult en dernier auteur, on se rend compte de leur très faible qualité (ce qui est souvent le cas dans les actes de conférences). Idéalement, il faudrait consulter et compiler quelques métriques de base pour évaluer la qualité générale de ces articles. J’en ai consulté 10 au hasard et ils présentent toutes le même format (courts, peu de références, beaucoup d’auto-citations). Ces deux articles pris au hasard contiennent moins d’une page de texte, des graphiques/photos sommaires et 4 références dans la bibliographie dont 3 auto-citations pour l’un, 4 références dont 2 auto-citations pour l’autre :
Pour les néophytes, aucun de ces articles ne pourrait être accepté dans une revue sérieuse. Ce sont probablement des embryons d’études réalisées par des étudiants du laboratoire. Pourtant ils l’ont été dans cet acte de conférence et en grand nombre.
Le cas C concerne le journal « Ann N Y Acad Sci » pour les années 2003 & 2006. Les 39 articles sur ces deux années sont regroupées dans deux numéros spéciaux sur les Rickettsies. En accédant aux articles cosignés par
D Raoult en dernier auteur, on constate une nouvelle fois leur très faible qualité (courts, peu de références, beaucoup d’auto-citations) ou des articles de revue.


Le cas D concerne une grande quantité d’articles dans une multitude de journaux pour les années 2012 & 2013. Parmi ceux-ci, on note 39 articles dans le revue « Stand Genomic Sci ». Cette revue héberge de courts articles décrivant brièvement de nouvelles bactéries isolées. L’ensemble des articles sont rédigés sur le même modèle et quasi-identiques en terme de titre, au nom d’espèce près.
Même constat pour la revue « J Bact », dans laquelle sont publiés 27 articles pour la seule année 2012. Les articles sont très majoritairement courts, avec peu de références et beaucoup d’auto-citations.
Même constat pour la revue « Ticks Tick Borne Dis », dans laquelle sont publiés 17 articles pour la seule année 2012. Les articles sont là encore très majoritairement courts, avec peu de références et beaucoup d’auto-citations.
On note que P Parola, proche collaborateur de D Raoult est membre du comité éditorial dans ce cas. Si cette période d’activité correspond majoritairement à la caractérisation génomique de nouvelles espèces de bactéries, il est courant de procéder à des analyses plus poussées pour mettre en contexte ces études. D Raoult, comme beaucoup d’autres, préfère multiplier les articles. Les journaux comme « Stand Genomic Sci » (66 articles au total) et «Genom Annouc» (34 articles au total) sont des journaux dédiés à cette pratique de publication massive. Les chercheur(euse)s sérieux/s/rieuses évitent en général de publier trop fréquemment dans ces journaux. En conclusion, le cas bien documenté de « New microbes & New Infections » n’est pas isolé. L’utilisation intensive d’un journal pour une courte période semble être une pratique fréquente dans le parcours de D Raoult, décelable dès 2003.
Revenons à NMNI, le pic A le plus important.
On peut aussi s’intéresser à la vitesse de publication des articles cosignés par Raoult dans NMNI versus les articles où il n'apparait pas en tant que co-auteur (others), on observe la tendance suivante :
D.Raoult publie donc significativement plus vite que les autres. Cela serait sans doute "normal" si ses travaux étaient globalement de meilleure qualité. Étant donné les failles méthodologiques majeures détectées dans les derniers articles publiés Par D.Raoult dans NMNI, on peut très fortement en douter.
Pour réaliser à quel point lui et P-E Fournier sont les maitres de la gloutonnerie, voici la distribution des % d'accaparement d'une revue observée chez les scientifiques ayant publié plus de 50 articles dans une meme revue.

Plus de 85% de ces scientifiques n'accaparent "que" 0-5% du total des articles publiés dans une meme revue. C'est essentiellement ce qu'on voit dans le top Français. Ils/elles sont souvent membres du comité éditorial et publient une majorité de commentaires et quelques articles de recherche de temps à autre. Les catégories auxquelles appartiennent P-E Fournier & D Raoult forment l'élite de l'élite de la gloutonnerie. Co-signer plus de 20% des articles d'une meme revue, c'est extrêmement rare. Il faut bien penser qu'en dehors de cette "élite" de quelques milliers de chercheurs, il y a plusieurs millions de scientifiques qui n'occupent eux, qu'une infime fraction des articles publiés dans de multiples revues. Et ce sont majoritairement eux qui font avancer la machine. Pourtant, l’image d’Épinal par excellence de la découverte scientifique est le fameux "Eureka" d'Archimède. On se plait à penser qu'une poignée de "génies" font avancer le schmilblick. C'est tout sauf vrai. La découverte scientifique est une production collective. C'est particulièrement vrai dans le cas de D Raoult, qui co-signe à tour de bras des centaines d'articles produits majoritairement par des travailleurs non-statutaires.
EDIT : Suite à une remarque j'ai préféré supprimer une seconde partie sur les étudiants en thèse.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.