vendredi 10 avril 2020

Covid19 et le système vasculaire

1) Le système Rénine / Angiotensine

Le récepteur ACE2, auquel se lie le virus, est un élément majeur d'un système appelé "système rénine / angiotensin", responsable principalement de modifier l'écoulement du sang en contractant ou dilatant les vaisseaux sanguins.
Son rôle majeur est de cliver l'Angiotensine II, ayant un rôle vasoconstricteur, en une Angiotensine[1-7] au rôle vasodilatateur.
Voici un schéma qui détaille toutes les étapes de la production des angiotensines, ainsi que deux des antagonistes permettant de bloquer leur action :


ACE2, IEC/ARAII et infections à COVID-19
Il est donc logique de s'interroger sur les patients souffrant d'hypertension, et sur les effets que pourrait avoir le virus sur la pression sanguine et le rythme cardiaque.

De plus, le récepteur ACE2 est présent dans les cellules endothéliales, en contact direct avec le sang dans les vaisseaux sanguins. Ces cellules ont été infectées par le virus et des pathologies vasculaires peuvent se développer, notamment chez les enfants où les symptômes ont été décrits comme étant similaires au syndrôme de Kawasaki. Il a été possible d'observer en scanner des embolies pulmonaires indiquant que les artères irriguant les poumons étaient obstruées. Les risques de thromboses (blocage d'une veine) sont également accrus et un traitement par anticoagulants est envisagé.

2) Hypertension et coronavirus

L'hypertension est un facteur de risque pour le passage en soins intensifs. Cependant, comme l'âge est un facteur de risque majeur, et que l'hypertension est souvent présente chez les personnes âgées, il n'est pas certain que son impact soit réel. 
Cependant, l'interaction du virus avec le récepteur ACE2 pourrait jouer un rôle. Ce récepteur est surexprimé dans le cas de patients diabétiques par exemple.

Lors d'une infection virale par l'ancien virus sars-cov, le récepteur semble être détruit ou internalisé :
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Le manque d'ACE2 entraîne un excès d'angiotensine II et une stimulation excessive du récepteur AT1, provoquant la vasoconstriction. En effet, une baisse de récepteur ACE2 est associée à l'hypertension et à une baisse de l'activité cardiaque. De plus, cette baisse de récepteur ACE2 induit une augmentation de l'angiotensine II qui va également augmenter la perméabilité vasculaire des poumons et augmenter les dégâts pulmonaires. Les patients sont alors traités pour l'hypertension avec des inhibiteurs d'ACE (ACEi) ou des éléments bloquant le récepteur AT1 (ARB).

Cependant, ces inhibiteurs vont également induire une augmentation de l'expression du récepteur ACE2, rendant l'infection virale plus facile. Il est donc difficile de déterminer s'il est bénéfique ou néfaste d'utiliser les ACEi/ARB.

Il semble que les patients atteints du covid19 développent des troubles de la coagulation et le traitement par des anticoagulants a été nécessaire.

Les personnes du groupe sanguin A semblent être plus à risque que celles du groupe O, d'après une étude à faible échantillon et donc encore non significative. Il a été remarqué que le sars-cov-2 pouvait infecter les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins, qui est la couche la plus interne, en contact direct avec le sang et entourée de muscles. Un patient ayant reçu une transplantation rénale et décédé ensuite a été autopsié, de même qu'une patiente à nombreuses comorbidités. Enfin un patient ayant survécu mais il a fallu sectionner une partie de son intestin grêle qui a pu être analysé. Dans ces trois cas, les cellules endothéliales, qui expriment le récepteur ACE2, avaient été infectées par le virus. Ceci a résulté en la mort cellulaire de cellules endothéliales par apoptose. Les auteurs ont rappelé que l'infection de ces cellules endothéliales peut être à l'origine de vasoconstrictions et d'une augmentation de l'inflammation.

3) Toxicité cardiaque du coronavirus

Une toxicité cardiaque a également été rapportée à cause de ces mécanismes. Le coronavirus, par infection, déclenchement du système immunitaire ou lors de complications comme dans le cadre d'un choc cytokinique, peut entraîner arythmies, arrêts cardiaques et infarctus. Les effets sont résumés ici :

Différents facteurs de risques sont corrélés avec une entrée dans un stade critique de la maladie : maladies cardiovasculaires, hypertension et diabète. Des observations plus détaillées sur certains patients ont montré une coagulopathie (le sang qui ne parvient pas à coaguler), un syndrome des anticorps antiphospholipides (réaction immunitaire dirigée contre les protéines circulant dans le sang, parfois visible dans des phases critiques d'infections) et de multiples infarctus.
On peut donc résumer les conséquences des dommages sur le coeur ainsi :

La réponse inflammatoire et les effets associés, la perte du récepteur ACE2, l'état d'anxiété, les catécholamines, la baisse de la fonction cardiaque et pulmonaire, l'hypoxémie, mais aussi des facteurs de risque comme les maladies cardiaques pré-existantes ou les médicaments tels que l'hydroxychloroquine (allongement de l'intervalle QT) peuvent avoir des effets de myocardite, hypotension, arrythmies, ou de mort par arrêt cardiaque.

4) Les différents traitements

Une étude a détermine chez des patients déjà traités pour des hypertensions, les familles d'inhibiteurs qui augmentent le risque de mortalité dans le contexte d'une infection au sars-cov-2.

On voit que le traitement ARA2 semble ne pas causer de surmortalité alors que les corticoïdes, inhibiteurs calciques et diurétiques posent problème. Le maintien du traitement est encore recommandé en ce jour du 11 Avril 2020 selon les données disponibles.

Une étude rétrospective sur 6272 patients en Lombardie a bien confirmé que les patients prenant ces médicaments sont plus à risque du fait de leurs pathologies cardiaques. Cependant le risque de mortalité n'était pas plus élevé sur une étude rétrospective sur 8910 patients dans le monde. Ceci a encore été confirmé par une étude sur 5894 patients.

Un autre type de traitement envisagé contre le coronavirus, détecté pour son efficacité sur l'ancien sars-cov, est le monoxyde d'azote. En effet, celui-ci semble jouer un rôle dans la palmitoylation du spicule, lui empêchant d'acquérir sa forme définitive, mais il réduit également la production d'ARN viral. Le monoxyde d'azote possède également un effet vasodilatateur qui pourrait contrer une vasoconstriction liée à une activité ACE2 réduite. C'est ainsi qu'un essai clinique sur le Viagra (Sildenafil) est en cours, celui-ci augmentant la concentration en monoxyde d'azote. De même, la glycyrrhizine (réglisse) a un tel effet et était efficace contre l'ancien sars-cov.

Enfin on notera des traitements ciblant Vascular Endothelial Growth Factor, VEGF. Ce facteur de croissance est impliqué dans la croissance des vaisseaux sanguins et est surexprimé chez les patients infectés par le sars-cov-2. La vascularisation accrue dans les poumons joue sans doute un rôle dans l'inflammation. Pour limiter l'action de VEGF, on peut envisager le bevacizumab (1, 2), le Sorafenib, et le Sunitinib.

5) Risques du traitement Hydroxychloroquine/Azithromycine

Le traitement par l'hydroxychloroquine / azithromycine peut provoquer une forme de toxicité cardiaque et l'emploi de ce traitement a été étudié sur une cohorte de 84 patients suivis avec un électrocardiogramme. Lors du battement cardiaque, différentes phases de dépolarisation et repolarisation électriques peuvent être mesurées au niveau du ventricule, suivant le schéma :
Électrocardiographie — Wikipédia

Lorsque l'intervalle QT est allongé, le risque de syncope et de mort subite est accru. Lorsque l'intervalle QT dépasse 500 ms le risque est très élevé. Voici les résultats obtenus par les 84 patients :

On note que 11% des patients ont un QTc dépassant les 500 ms, avec des allongements de QTc allant de 0 à plus de 60 ms. la prise d'une combinaison médicamenteuse cardiotoxique sur une pathologie ayant une cardiotoxicité n'est donc pas à prendre à la légère.

Il semble, d'après les données récoltées sur plus d'un million de patients traités avec différents antibiotiques, combinés ou non à l'hydroxychloroquine, que ce soit l'azithromycine qui présente la plus forte toxicité cardiaque, notamment en multipliant le risque de mortalité cardiovasculaire par 2,2; celui de douleur de poitrine par 1,15 et celui d'un arrêt cardiaque par 1,2.

6) Risques liés à la nicotine

La nicotine active la voie ACE et inhibe la voie ACE2 chez le rat. Voilà un schéma des effets de la nicotine sur le système rénine-angiotensine.


Cependant, des études plus récentes chez l'homme ont montré un effet inverse : les fumeurs ont un niveau d'expression du récepteur ACE2 plus élevé que les non-fumeurs :


On ne peut donc ici non plus déterminer si cet effet est bénéfique ou néfaste : réduire ou augmenter la disponibilité en récepteur pour l'entrée virale a également pour conséquence des effets viraux sur le système cardiovasculaire par le biais du système renine/angiotensine.

Une étude grecque critiquée a indiqué que les fumeurs seraient moins à risque, en revoyant d'autres données publiées. Mais lorsque les données ont été vérifiées, il a été établi que parfois, le statut "fumeur/non-fumeur" n'était tout simplement pas indiqué par le patient qui était en trop mauvais état pour répondre à un questionnaire... De plus ont été classés comme "non-fumeurs" tous ceux qui fumaient "moins de 30 paquets par an". Ce qui n'est pas rigoureusement "non-fumeur" et ne permet pas la comparaison avec les statistiques mondiales telle qu'elle est faite dans ce papier.

Les fumeurs semblent être globalement à risque et des inquiétudes ont été soulevées quand à la prise de nicotine. Il est intéressant de noter l'action détaillée de la nicotine sur différents niveaux de l'organisme lors d'une infection au sars-cov-2 :
En effet, les récepteurs à la nicotine sont co-exprimés avec ACE2 et peuvent avoir des effets convergents. On observe une augmentation de l'inflammation, des dommages à l'ADN, de l'activation des protéases et de la mort cellulaire programmée par apoptose. 

Une régulation inverse est observée dans les cellules neurales, où la nicotine va augmenter l'expression du récepteur ACE2. Des inquiétudes ont été soulevées pour les fumeurs dans le cas d'infections virales plus généralisées, le sars-cov-2 pourrait causer des dégâts en infectant les cellules neurales. D'ailleurs, 30% des 814 patients d'une étude rétrospective ont indiqué avoir eu des symptômes neurologiques. Voici ce qui se passe dans les cellules neurales :

L'idée d'un effet protecteur de la nicotine a été relancée par Jean-Pierre Changeux, qui s'est appuyé sur les données publiées de l'AP-HP pour développer sa théorie. En effet, il a été remarqué que seuls 5,3% des 343 patients Covid19 étaient des fumeurs alors que dans la population générale on trouve 25,4% de fumeurs. Il faut tout de même remarquer que cette comparaison est un peu malheureuse, car le profil des personnes hospitalisées pour le Covid19 sont souvent avec des facteurs de comorbidité, et il est probable que leur médecin traitant leur aie déjà recommandé d'arrêté de fumer. L'âge est un facteur très intéressant puisque les personnes âgées fument en moyenne beaucoup moins que les jeunes, mais les données de l'AP-HP ont été ajustées pour l'âge. Dans le tableau de données, les ex-fumeurs sont également beaucoup plus nombreux à être hospitalisés que ceux qui n'ont jamais fumé de leur vie. Or ont été comptés comme "ex-fumeurs" tous ceux qui ne fumaient plus au moment de remplir le questionnaire. Il est possible que soient comptées comme "ex-fumeurs" des personnes qui ont arrêté de fumer en tombant malade mais qui comptent bien reprendre juste après... Ce point est à clarifier. L'absence de données sur la vape est également à remarquer.

On pourrait donc accepter un certain intérêt statistique malgré les remarques précédentes, mais il ne faudrait pas partir trop loin dans l'interprétation théorique avec des éléments si faiblement établis, au risque de faire des hypothèses très farfelues comme cela semble malheureusement le cas. En extrapolant à partir d'un autre virus, celui de la rage, qui semble pouvoir se lier au récepteur nicotinique, une homologie de séquence a été tentée par Jean-Pierre Changeux entre des toxines de serpent (TOXIN), le virus de la rage (RABV) et le sars-cov-2:
Je ne sais que penser de cette homologie de séquence... Outre le fait que RRAR semble être un site de clivage à furine selon d'autres auteurs... Je vous laisse juger de la qualité de cet alignement. La dernière ligne est celle du sars-cov-2. C'est par là que le sars-cov-2 est donc sensé se lier au récepteur nicotinique, puisque la séquence "ressemble" (???) à celle de toxines de serpent ou du virus de la rage qui se lie à ce récepteur. Les motivations de cette publication peuvent relever de certains conflits d'intérêt passés... Mais ce sont des pratiques d'un autre temps :
D'anciennes pubs pour cigarettes vantent leurs bienfaits pour la santé

Heureusement, les critiques s'enchaînent en France, en Allemagne comme en Italie... Sans oublier que même sur la plateforme qui diffuse de telles prépublications, la critique s'est faite sentir, notamment par Anna Gilmore (UCSF)

7) Fausse information sur l'hémoglobine

Parfois, des études sortent en preprint, c'est-à-dire avant publication. Appuyées par des témoignages de médecins qui parlent de leur ressenti face caméra sur un ton catastrophique, il faut se méfier. 
Premièrement, ce n'est pas par voie de vidéo que les médecins font remonter des informations aux chercheurs, et ils s'appuient sur des faits démontrés beaucoup plus que sur des ressentis. Ils ne déclarent pas une révolution dans le traitement du covid19 sans réelles preuves. S'ils le font, c'est probablement qu'ils n'ont pas les idées très claires à cause de la fatigue ou autres, ou qu'ils ne sont pas réellement médecins mais juste mis en scène.
Justement, non, rien n'indique que le virus (qui n'est pas un être vivant) va activement attaquer les globules rouges tel un parasite. Cela est très peu probable. L'étude a été réalisée avec un manque total de connaissances en biologie, par des bioinformaticiens qui ont testé des affinités (mal : leur système informatique leur annonce quand même, page 22, 7530186265.80 kcal/mol pour la liaison Porphyrin / E2 glycoprotein, une énergie démesurée), et qui ont donc trouvé des choses qui peuvent en théorie s'emboîter. Mais nous avons tellement de formes dans nos protéines que des choses qui s'emboîtent, il y en a beaucoup, sans pour autant qu'il y ait à chaque fois une fonction derrière. 
D'un point de vue fonctionnel ils n'ont rien montré.

Malgré cela, de grands spécialistes se sont fait avoir avec des communications affirmant même que "de la magie s'opère sur l'ADN des globules rouges après leur infection", bref... Dans l'urgence, il ne faut jamais éteindre son esprit critique ! Heureusement qu'il y a des chercheurs qui acceptent de temps en temps de travailler sur ces histoires à dormir debout. Il y a parfois des éléments sérieux mélangés aux discours incohérents, notamment concernant les techniques d'intubation et l'oxygène, qui servent à traiter l'infection pulmonaire. Cette partie-là du discours tient parfois la route en théorie : il peut être plus grave d'intuber (car cela peut provoquer des dégâts) que de rester sous oxygène, mais je ne pense pas qu'il soit ni de mon ressort, ni de celui du grand public, d'ajuster finement les techniques maîtrisées par le médecin anesthésiste réanimateur expérimenté.

D'ailleurs, pour pallier le manque d'oxygène, une molécule (M101) permettant le transport d'oxygène provenant d'un ver marin était à l'étude... Mais ces études ont malheureusement été interrompues sur la base de données secrètes.





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