Des débats de plus en plus houleux ont lieu et je me fais souvent interpeller sur des histoires à dormir debout concernant des puces RFID insérées dans des vaccins... Mais quand je demande si ces personnes savent comment fonctionne le système immunitaire, je me rends compte que leur niveau de connaissance est souvent proche de 0 à ce sujet. C'est pour cette raison qu'il me paraît judicieux de commencer par expliquer l'immunité et les défenses du corps avant de discuter plus directement du coronavirus et des traitements envisagés.
1) Le système immunitaire
Pour ceux qui n'ont pas les connaissances de base, il est utile de regarder cette vidéo très simple :
Pour résumer donc, une cellule affiche grâce à son Complexe Majeur d'Histocompatibilité (CMH) de petits fragments (peptides antigéniques) des protéines qui la pénètrent. Les cellules présentatrices d'antigènes (monocytes, macrophages, lymphocytes B et cellules dendritiques) phagocytent (mangent) les cellules infectées et présentent à leur tour les antigènes en les apportant aux lymphocytes T dormants dans les ganglions lymphatiques. C'est ainsi que se déclenche la réaction immunitaire avec recrutement des lymphocytes B libérant des anticorps circulants pour neutraliser le corps étranger (virus), et lymphocytes T tueurs s'occupant des cellules infectées.
Voici le contact, observé en microscopie électronique, entre lymphocyte T (blanc) et cellule dendritique (bleu) :
La fabrication des lymphocytes à partir du génome ne devrait pas permettre d'obtenir toutes les formes différentes, puisqu'il faudrait un gène par forme... L'organisme a en réalité une région dite "hypervariable" dans son ADN, codant pour le CDR3 du lymphocyte. Le CDR3 est la région qui entre directement en contact avec les peptides antigéniques. Ainsi, par des recombinaisons aléatoires, de nombreuses formes de lymphocytes sont produites, et vont détecter à peu près toutes les formes possibles et imaginables au hasard.
Mais dès lors, comment se fait-il que le système immunitaire, qui reconnaît toutes les formes possibles "au hasard", ne s'attaque pas à notre propre organisme ?
Lorsqu'une cellule dendritique présente un peptide antigénique, elle présente en même temps son Human Late Antigen, un peptide du "soi", permettant d'indiquer au lymphocyte par une seconde voie qu'elle est une cellule "amie". Il faut donc que les lymphocytes reconnaissent ce HLA, et c'est la première sélection qui s'opère :
Il faut ensuite sélectionner les CDR3 de façon à ce que le peptide antigénique détecté soit bien étranger au "soi" :
Les lymphocytes T issus de la moëlle osseuse vont donc subir cette étape de sélection dans le thymus, et 97% d'entre eux seront détruits soit car ils n'ont pas une bonne reconnaissance du HLA, soit parce que leur CDR3, formé au hasard, épouse une forme propre à l'organisme, au "soi". Seuls les 3% reconnaissant les peptides du "non-soi" seront maintenus.
Les lymphocytes B subissent le même type de sélection :
Lorsque le système immunitaire s'en prend au "soi", on parle de maladie autoimmune. Certains marqueurs de maladies autoimmunes existent, comme les anticorps anti SSA/Ro. Ceux-ci ont été identifiés dans le cadre du covid19. Cette information reste cependant à confirmer.
- Nombre de cellules qui sont infectées au départ,
- Vitesse de réplication et de propagation du virus,
- Délai entre infection et détection par l'organisme pour qu'il déclenche une réaction.
Une fois ce combat terminé, si l'organisme a survécu, une certaine mémoire existe grâce aux anticorps (IGG, les plus communs, spécifiques et IGM, non spécifiques, utilisés par les lymphocytes B). La persistance de ces anticorps et la formation d'anticorps mémoire définit l'immunité acquise de l'hôte qui pourra alors résister plus facilement en cas de réinfection :
La quantité d'anticorps détermine l'immunité ainsi acquise, et elle a été mesurée (on parle de titre d'anticorps) pour des personnes testées positives en PCR. On pratique un test ELISA permettant de détecter les anticorps, et plus le titre est élevé plus l'immunité est forte (A). Les personnes ayant eu un test négatif dans un premier temps ont vu leur titre augmenter (B). Ce schéma est très similaire à celui de la grippe et est plutôt rassurant.
Voici un schéma un peu plus technique de la réaction de l'organisme parue dans Cell :
Cette figure indique l'ensemble des signaux échangés par une cellule infectée pour activer les diverses cellules du système immunitaire, et notamment les cellules tueuses (NK). Selon la gravité de l'infection, et selon la charge virale, les réponses peuvent être orientées vers certains médiateurs (peu sévères : IFN, TNF, IL-2) ou vers d'autres (cas plus graves : IL-6) :
Le rôle particulier des monocytes qui se différencient en macrophages dans l'infection par sars-cov-2 a été étudié. En effet, un retard dans la réponse des interférons de type I et une stimulation des monocytes recrutés dans les vaisseaux sanguins ainsi qu'une possible entrée du virus dans ces derniers (puisqu'ils expriment ACE2) permettrait d'orienter la différenciation des monocytes en macrophages.
Cette suractivation des monocytes pourrait être à l'origine des phénomènes de coagulation lorsque des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins sont infectées. L'expression des molécules anticoagulantes est en effet diminuée (TFPI, protéine C activée, antithrombine) en même temps que les voies activant les monocytes (CCL2 et IL6) vont augmenter la formation de dépôts de fibrine et provoquant la coagulation. Des neutrophiles recrutés par les cellules endothéliales peuvent également contribuer à ce phénomène.
2) Le choc cytokinique
Les cytokines sont libérées par les cellules infectées et attirent les lymphocytes, stimulant le système immunitaire. Pour rappel, voici la liste des cytokines déjà identifiées pour les différents virus sars-cov de 2002/2003, mers-cov de 2012 et sars-cov-2 de 2019 :
A priori, il est utile de ne pas agir contre ces cytokines. Celles-ci permettent d'augmenter la réaction au virus :
Mais en cas d'excès de stimulation, des dégâts peuvent être infligés à l'organisme par une réaction immunitaire trop forte. Un ajustement précis des différentes cytokines et des interférons est nécessaire pour adapter correctement la réponse immunitaire. Lorsque le système immunitaire est trop faible, qu'il est débordé ou qu'il ne produit pas assez d'armes (perforines) pour se défendre, on peut entrer dans ce qui est appelé "orage" ou "choc cytokinique". C'est ce qui provoque de gros dégâts pulmonaires dans les cas sévères de Covid19. Les cytokines les plus associées aux complications sont l'interleukine-6 et L'interféron gamma.
3) Les vaccins
L'origine des vaccins remonte à l'histoire d'un médecin de campagne, Edward Jenner :
Partant de ces observations, nous avons compris bien plus tard les mécanismes sous-jacents :
En bref, lors d'une première infection, des lymphocytes B et T mémoire sont générés. Ceux-ci permettent une réaction immunitaire plus forte et plus efficace en cas de nouvelle rencontre avec le même antigène.
Lorsqu'un virus évolue et mute, il ne change pas intégralement, et si plusieurs antigènes ont été mémorisés, la réaction immunitaire pourra toujours se déclencher. Cependant, si un nombre trop restreint d'antigènes spécifiques est en mémoire, le virus peut paraître nouveau à l'organisme. Les vaccins peuvent donc être constitués de tous les fragments viraux, ou seulement de quelques peptides antigéniques aussi appelés épitopes. Il s'agit avant tout de créer une mémoire permettant une réaction immunitaire immédiate et forte lors d'une infection, évitant ainsi la multiplication virale suffisamment tôt pour ne pas avoir de symptômes.
4) Les interférons
Une des premières étapes avant la défense immunitaire est la production d'interférons. Lors de la réplication du virus, un élément inhabituel a lieu : la présence de doubles brins d'ARN (pendant la copie de l'ARN viral) dans le cytoplasme de la cellule. Les organismes vivants ont développé une stratégie pour mitiger la réplication virale en amont de la réponse immunitaire : lorsqu'un double brin d'ARN est détecté, des signaux s'activent dans la cellule pour gêner les réplicases responsables de la réplication. Il s'agit principalement d'interférons.
Voici un schéma détaillé de cette réponse : ne vous fiez pas à sa complexité, il s'agit juste du détail de toutes les protéines impliquées dans cette réponse. On note qu'avec l'arrivée d'un virus à ARN, une cascade de réactions se déclenche, amenant à la production d'interférons et de cytokines et à l'apoptose (suicide de la cellule) :
Un autre outil intéressant est le complexe DICER/RISC, dont le rôle est de découper les ARN double brins, de supprimer le brin sens (qui a le même sens que celui du virus, et est inutile) et de garder le brin antisens. Ce brin antisens sera fragmenté, et permettra au complexe DICER/RISC de reconnaître d'autres copies (sens) du virus en se fixant dessus. Ainsi, grâce à ce brin antisens, DICER/RISC va éliminer l'ARN viral.
Une étude du transcriptome (ensemble des gènes exprimés) d'une cellule infectée comparée à une cellule infectée par d'autre virus ou non infectée montrait un déficit en interférons I et III. Les chémokines sont toujours présentes. Celles-ci attirent les cellules de la réponse immunitaire.
Les anciens virus sars-cov et mers-cov ont déjà été étudiés dans ce contexte et leur action sur différents composants de cette réponse immunitaire cellulaire ont été identifiés. Ils bloquent des éléments tout au long de la voie de production d'interférons dans la cellule infectée.
Voici un schéma détaillé de cette réponse : ne vous fiez pas à sa complexité, il s'agit juste du détail de toutes les protéines impliquées dans cette réponse. On note qu'avec l'arrivée d'un virus à ARN, une cascade de réactions se déclenche, amenant à la production d'interférons et de cytokines et à l'apoptose (suicide de la cellule) :
Un autre outil intéressant est le complexe DICER/RISC, dont le rôle est de découper les ARN double brins, de supprimer le brin sens (qui a le même sens que celui du virus, et est inutile) et de garder le brin antisens. Ce brin antisens sera fragmenté, et permettra au complexe DICER/RISC de reconnaître d'autres copies (sens) du virus en se fixant dessus. Ainsi, grâce à ce brin antisens, DICER/RISC va éliminer l'ARN viral.
Une étude du transcriptome (ensemble des gènes exprimés) d'une cellule infectée comparée à une cellule infectée par d'autre virus ou non infectée montrait un déficit en interférons I et III. Les chémokines sont toujours présentes. Celles-ci attirent les cellules de la réponse immunitaire.
Les anciens virus sars-cov et mers-cov ont déjà été étudiés dans ce contexte et leur action sur différents composants de cette réponse immunitaire cellulaire ont été identifiés. Ils bloquent des éléments tout au long de la voie de production d'interférons dans la cellule infectée.
En résumé, il semble que le sars-cov-2 joue un rôle déterminant dans la réponse de l'organisme : il inactive les défenses cellulaires (interférons) et oriente vers une réponse immunitaire (chémokines), ce qui explique pourquoi les personnes âgées sont plus à risque.
5) Les traitements
Afin de réduire les symptômes, le traitement classique consiste à réduire l'inflammation, et donc la réaction immunitaire. Mais il semble que ce ne soit pas la meilleure voie car une réaction immunitaire trop faible favorise la progression du virus et risque, malgré une légère amélioration des symptômes, d'aggraver l'issue de la maladie :
- Mycophenolic acid agissant sur la inosine-5′-monophosphate dehydrogenase, nécessaire pour la réplication des lymphocytes T.
- Glucocorticoïdes (1) et Corticostéroïdes (liste) qui ont généralement un rôle immunosuppresseur, notamment la Méthylprednisolone : 1, 2, 3
- Ebastine qui est un antihistaminique et réduit donc la réaction inflammatoire
- Fingolimod qui empêche le recrutement des lymphocytes et leur passage dans le sang car il ressemble à sphingosine 1-phosphate (S1P1) et entre en compétition avec son action de recrutement des lymphocytes.
- Pirfenidone a deux essais cliniques, dont l'action passe par l'inhibition de TGF beta et l'inhibition deux interleukines (1 et 4) pour réduire l'inflammation notamment pulmonaire.
- Tranilast à l'action anti-histaminique
- Berberine, plutôt toxique et ayant potentiellement de nombreux effets secondaires
- Luteoline, un flavonoïde connu comme régulant le système immunitaire et potentiellement utile dans le cas de chocs septiques
- Colchicine qui se lie à la tubuline des microtubules, empêchant ainsi la mitose (division cellulaire) principalement dans les cellules immunitaires
Une approche consiste au contraire à augmenter la réaction immunitaire :
- Rintatolimod (Merck) qui agit sur le précepteur TLR3. Ce récepteur est impliqué dans la reconnaissance d'ARN double brin, qui ne peut apparaître qu'en cas d'infection virale. Les virus peuvent parfois se lier à ce récepteur et empêcher sa fonction, et le rintatolimod le protègerait.
- Polyinosinic polycytidylic acid, agissant également sur le récepteur TLR3
- Thymosine α‐1, induisant la voie de l'interleukine 2 et la différenciation des lymphocytes T et des cellules dendritiques (1)
- Polyinosinic polycytidylic acid, agissant également sur le récepteur TLR3
- Thymosine α‐1, induisant la voie de l'interleukine 2 et la différenciation des lymphocytes T et des cellules dendritiques (1)
- Ajout ou stimulation des cellules immunitaires : Immunoglobulines (test 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9), Natural Killer cells (test 1, 2), Macrophages (test 1). Ceci se fait par transfert de plasma, qui a donné des résultats encourageants lors de premiers résultats publiés sur des cas sévères. Il est également à l'essai en France.
- Apport en vitamines, notamment A et B6
- GCSF, stimulant la production de cellules immunitaires au niveau de la moëlle osseuse
Certains traitements visent à injecter des cytokines pour augmenter la réaction immunitaire :
- vMIP qui active les macrophages
- Interleukine-2 qui active lymphocytes T et macrophages
Des traitements ont été proposés pour réduire le choc cytokinique :
- Tocilizumab, ciblant l'IL-6, sans doute le plus prometteur d'après des rapports et témoignages de médecins, notamment italiens. Il y a de nombreux essais cliniques : 1, 2, 3, liste
- Sarilumab qui se lie aux récepteurs de l'IL-6 et empêche leur action
- Autres anticorps encore en essai qui ciblent l'IL-6 : clazakizumab, olokizumab (CDP6038), elsilimomab, BMS-945429 (ALD518), sirukumab (CNTO 136), levilimab (BCD-089), CPSI-2364
- Camrelizumab, anticorps ciblant le récpteur PD-1 des lymphocytes, ou autres bloqueurs (1, 2) de ce récepteur.
- Thalidomide, réduisant le niveau d'IL-6 (1, 2)
- CMAB806, réduisant le niveau d'IL-6 (1)
- Renal replacement therapy
- Rapamycin (Sirolimus) qui cible mTOR et réduit ainsi la production de cytokines
- Cyclosporine, réduisant l'expression de l'IL-2
- Ruxolitinib, Jakotinib et Baricitinib qui agissent sur la voie janus kinase JAK, impliquée dans la production de cytokines, mais ayant l'inconvénient d'être également impliquée dans la production d'interférons et de nombreux aspects de la réponse immunitaire
Des traitements visant à agir sur l'apoptose (mort cellulaire programmée) :
- ABT-263 bloquant BCL-2, impliqué dans le déclenchement de l'apoptose
- Obatoclax bloquant BCL-2, impliqué dans le déclenchement de l'apoptose
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