vendredi 24 avril 2020

Covid19 - aspects épidémiologiques

Je ne suis en aucun cas épidémiologiste, mais sachant un peu lire la science, et la demande étant croissante dans ce domaine, je me suis dit que ça ne ferait pas de mal de faire un peu le tour de ce qui se dit dans le domaine. Alors gros avertissement : il peut y avoir des erreurs dans ce document, merci de me les signaler pour que j'édite la page et que j'améliore le contenu en conséquence !

Nous commençons à bien connaître les caractéristiques du virus. Les hommes sont plus à risque que les femmes et les personnes âgées sont plus à risque que les jeunes.

1) Les chiffres

Plusieurs sources comptabilisent le nombre de cas et le nombre de décès. La référence reste la Johns Hopkins university :


Il existe aussi les données de Our World in data :


John Burn-Murdoch a fait des graphiques calibrés sur le 3ème mort déclaré par pays, également très intéressant pour comparer. On peut aussi visualiser l'évolution du nombre de cas de façon dynamique.

Mais en France, une initiative intéressante a été proposée par des chercheurs de Icube Thibaut Fabacher, et un système de visualisation basé sur Santé Publique France a vu le jour.

La différence entre les pays s'explique en majeure partie par la date du premier cas et la température, mais d'autres facteurs comme les mesures de confinement entrent également en jeu.

Pour ce qui est de la comparaison avec la "surmortalité en période d'épidémie de grippe saisonnière", je rappelle que le calcul consiste à comparer 2 mois de mortalité en période d'épidémie et 2 mois hors épidémie, ce qui indique une "surmortalité" d'une 10aine de milliers de morts dans les pires cas. Et ces décès ont lieu dans une population partiellement immunisée, partiellement vaccinée, sans confinement ni mesures de distanciation. Les effets du sars-cov-2 sont majeurs comparés à ceux de la grippe, malgré une létalité qui reste dans un ordre de grandeur proche et une contagiosité similaire, car il n'y a pas d'immunité pré-existante et que sa mortalité reste importante.

Sans aucune mesure, avec un taux de létalité de 1% sur 60% de la population mondiale, on arriverait donc à 0,6% de la population mondiale qui mourrait, soit près de 50 millions de personnes. Sans compter le risque de mutation, de réinfection, d'aggravation...

Pour vérifier les effets, des comparatifs en fonction des années ont été diffusés notamment sur euromomo ou sur le financial times. On peut aussi s'intéresser plus précisément à la france sur la base de data.gouv.fr :



2) Le taux de létalité

Le taux de létalité (mortality rate) se calcule en faisant la fraction du nombre de morts divisé par le nombre de positifs. L'inconvénient étant que le nombre de positifs dépend directement de la campagne de test : plus on teste, plus le taux de létalité baissera, sans qu'il n'y ait réellement une létalité plus faible dans une ville, une région ou un pays. C'est pour cela qu'on calcule le taux de létalité sur la base des lieux les plus testés, rétrospectivement.

A cause des nombreux cas asymptomatiques, deux chiffres sont souvent avancés : un taux de létalité dit CFR (case fatality rate), et un taux de létalité IFR (infection fatality rate) ajusté, tenant compte des asymptomatiques et inférieur au CFR. Les données ci-dessous sont celles du CFR et sont donc surestimées.

Une étude parue à la mi-Mars a indiqué un taux de létalité aux alentours de 1,4%. Ce taux a été confirmé pour Wuhan, mais abaissé à 0,85% hors de Hubei. En Angleterre, il est aussi à 0,9%. Globalement, l'OMS estime que la létalité est d'environ 0,72% d'après les divers modèles au 9 Avril 2020. Le meilleur exemple est celui du Diamond Princess, ce bateau de croisière avec 3711 passagers, 705 cas positifs et seulement 7 décès, amenant donc un taux de létalité final à 0,99%.

La valeur estimée de l'IFR, moins fiable, se situe entre 0,1 et 0,36% au 9 Avril 2020.

Le taux de létalité peut aussi dépendre de la qualité des soins et du nombre de lits disponibles en réanimation, ce qui explique l'intérêt présenté plus bas d'"aplatir la courbe".

3) La transmission du virus

Le virus est transmis par la voie respiratoire ou par les différentes sécrétions (gouttelettes, salive, expectorations...). Il semble qu'elle peut également se faire directement dans l'air. La transmission peut se faire avant apparition des symptômes, et certains patients sont même des vecteurs totalement asymptomatiques. Bien qu'il faille environ 10 à 20 jours pour se débarrasser du virus, il arrive que la maladie persiste plus de 50 jours.

La dynamique de la transmission par voie aérienne a été étudiée en collectant les particules par diamètres séparés, et en analysant la charge virale présente dans différentes zones d'un hôpital chinois. Voici le type de résultats obtenus :
C:\Users\Linsey\Desktop\Wuhan.png

Le diamètre du virus est de 0,1 µm, et il a été retrouvé majoritairement sur des gouttelettes plutôt fines (0,25 à 0,5 µm).

La plus forte charge virale a été retrouvée dans une salle où le personnel médical enlevait son équipement de protection. On en a trouvé également une forte concentration dans les toilettes d'un patient hospitalisé. La plupart des échantillons n'ont pas permis de détecter de virus, mais à l'extérieur de l'hôpital dans les lieux les plus bondés de faibles quantités de virus ont été retrouvées. Ces quantités n'étaient sans doute pas suffisantes pour infecter une personne.

La spécialiste Linsey Marr propose de nombreuses ressources sur twitter.

On utilise une valeur, le Rt, permettant d'identifier combien de personnes sont infectées par une personne elle-même infectée. Lorsque cette valeur est supérieure à 1, le virus va se propager, si elle devient inférieure à 1 le virus cesse de se propager. La valeur du sars-cov-2 semble proche de l'ancien sars-cov, et malgré une estimation autour de 2 par l'organisation mondiale de la santé, elle pourrait être un peu supérieure et s'approcher de 3.

Il existe une voie de transmission par les selles, car on y retrouve du virus. C'est sans doute ainsi que les canalisations ont pu être infectées, notamment en Hollande. Dans les grands bâtiments, les systèmes de ventilation sont également un risque de transmission potentiel.

Une étude détaillée a permis de préciser certains aspects : le virus est présent plus longtemps dans les selles que dans le sang ou dans le nez. La charge virale est plus élevée dans les cas les plus graves.

Voici un schéma résumant les différents tests effectués pour rechercher le virus :


Depuis, on a également trouvé le virus dans le sperme, en faisant une maladie qui pourrait être sexuellement transmissible.

La détection se fait soit par PCR, c'est à dire lecture du matériel génétique viral, soit par détection des anticorps :
Image

La transmission du virus devrait a priori se poursuivre en été, même si elle devient plus difficile, il y a des risques que l'épidémie ne s'arrête pas durant la saison estivale.

Les masques de protection permettent de limiter la transmission du virus. Evidemment, il en existe diverses qualités : du FFP2, filtrant, qui aide à éviter d'être contaminé, au masque chirurgical simple qui sert à éviter de contaminer autrui mais qui apporte une protection limitée.

L'infographie suivante est exacte sur le principe, mais les niveaux de protection semblent hasardeux vu l'historique du parisien qui indiquait 1 mois auparavant "aucune protection" pour des masques en tissu...


Nous pouvons tout de même aller plus loin en analysant notamment le diamètre des particules et gouttelettes éjectées. En effet, celles-ci retombent à une distance de 1,5 mètres lorsqu'elles ont un diamètre très faible (inférieur à 10 µm) et peuvent atteindre six mètres lorsqu'elles sont plus grandes (> 0,1mm) pendant qu'on éternue.



Ce sont les gouttelettes les plus larges qui vont permettre l'infection, car elles sont retenues dans la région du naso-pharynx qui exprime le plus fortement le récepteur ACE2, plus que les bronches ou les alvéoles qui sont plutôt un lieu d'infection secondaire :




Selon la qualité du masque utilisé, par rapport à une valeur de référence de 100%, voici ce qui pourra passer dans les deux sens (tea cloth = fait maison, surgical = chirurgical, FFP2). On voit que le masque nous protège beaucoup plus qu'il ne protège notre entourage.


Souvent, face à la pénurie, des masques en tissus fabriqués maison sont proposés :

Evidemment, la qualité de ces masques est très différente selon le tissu utilisé, et il semble que la meilleure combinaison soit un coton à tissage serré (barrière physique, "mechanical") avec de la soie (barrière électrostatique) :



Pour les adeptes du jogging, une étude a été menée pour vérifier le flux d'air et la meilleure façon de se positionner lorsqu'on court, pour éviter les contaminations. Sur la base de cette étude, la distance sociale recommandée est de 1,5 mètres en statique, 5 mètres en marchant et 10 mètres en courant, sachant que la zone la plus exposée lors d'un déplacement est celle juste derrière la personne en mouvement.




4) Le confinement

Une excellente stratégie pour maîtriser l'épidémie a été montrée à Taïwan :

Pour éviter les transmissions, on teste massivement, puis on isole les personnes positives en surveillant leur température. De même, les voyageurs sont isolés très tôt et très rapidement. Lorsque l'épidémie s'est déclenchée car les mesures n'étaient pas assez strictes, il peut être trop tard pour mettre en place correctement cette stratégie et il faut alors mitiger l'épidémie.
Pour ce faire, des mesures de distanciation sociale sont entreprises, chacune ayant une efficacité différente. Ainsi on va "aplatir la courbe" (rouge), éviter un emballement du nombre de cas simultanés pour arriver à une capacité acceptable pour les hôpitaux (vert). Cependant, après déconfinement, il y aura un risque de relancement de l'épidémie (bleu).

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Un rapport anglais a notamment analysé l'effet escompté des mesures de distanciation sociales envisagées et les a comparées à la capacité en lits dans les services de réanimation (rouge) : si on ne fait rien (noir), si on ferme les écoles et les universités (vert), si on isole les cas positifs (orange), si on isole les cas positifs et leur ménage (jaune) et si on isole les personnes âgées de plus de 70 ans en plus (bleu).
While the critical care capacity remains fixed, most mediation methods allow enough cases to vastly exceed it.

Dans certains pays, notamment ceux d'Afrique, les mesures de distanciation sociale sont à mettre en balance avec les risques liés à la famine. En France, l'état du confinement fait l'objet de rapports réguliers.

5) La fermeture des écoles

L'objectif de la fermeture des écoles est une distanciation sociale accrue, car les écoles, collèges et lycées sont des lieux avec beaucoup de contacts sociaux, comme l'indique une étude britannique. De ce fait, la fermeture des écoles a été une mesure prise lors d'épidémies localisées. Dans le cas de la grippe par exemple, 70% des contaminations ont lieu en-dehors du domicile, et 37% de ces contaminations ont lieu à l'école. Traduit en modèle mathématique, avec divers niveaux de Rt, l'effet de la fermeture des écoles est une nette réduction du pic de l'épidémie dans le cas de la grippe.  Globalement, le pic épidémique peut être réduit de près de 30% grâce à la fermeture des écoles dans le cas de la grippe. Cependant, cette mesure est la plus efficace lorsque cette mesure réduit réellement les contacts sociaux, de préférence dans une maladie peu contagieuse et dont le taux d'infection des enfants est élevé.

L'efficacité de la fermeture des écoles dans le cadre du sars-cov-2 est donc encore débattue : il est aussi possible de prendre d'autres mesures de distanciation sociale moins drastiques et peut-être tout aussi efficaces dans le cadre de cette maladie, selon le rôle joué par les enfants dans la transmission.

6) Les enfants

Une étude sur 36 enfants testés positifs indique que près de la moitié n'avaient pas (28%) ou peu de symptômes (19%). Ceci a été confirmé sur une cohorte plus importante de 171 enfants dont 15,8% étaient totalement asymptomatiques, et 7% n'avaient aucun symptôme malgré des signes de pneumonie détectés au scanner. Et pourtant les enfants asymptomatiques peuvent avoir une charge virale détectée même dans les selles.

Globalement, les enfants présentent moins de signes cliniques et moins de symptômes lorsqu'ils sont infectés, et représentent donc un vecteur moins facile à détecter. Ils n'ont pourtant pas de différence significative par rapport à la population adulte en termes de nombre d'enfants infectés : ils peuvent attraper le virus avec la même probabilité. leur charge virale est également la même que celle des adultes : il n'y a pas de grande variabilité dans la charge virale selon l'âge.

La maladie de Kawasaki est encore peu connue, c'est une maladie émergente dont le nombre de cas reste très rare. Sa prévalence est plutôt asiatique. Aucun cas n'a été rapporté dans les enfants touchés en Chine, mais des britanniques ont alerté sur quelques cas décelés durant l'épidémie de covid19. Ainsi, cette maladie reste surveillée mais son lien avec le sars-cov-2 n'est en aucun cas établi. Un traitement existe déjà : l'infliximab.

7) Immunité - réinfection

Pour que l'épidémie ne puisse plus se déclencher, il faut qu'un nombre suffisamment important de personnes aie développé une immunité soit en ayant été infecté, soit en étant vacciné. Ainsi, le virus ne pourra plus trouver suffisamment d'hôtes réceptifs pour être transmis d'une personne à une autre et l'épidémie prendra fin.

Cependant, une caractéristique intéressante du sars-cov-2 est qu'il semble pouvoir réinfecter plusieurs fois la même personne. Des tests effectués chez le singe contrent cette hypothèse : le singe n'a pas pu être réinfecté après une première exposition. Sur 262 cas par exemple, une étude rétrospective a montré que 15% des cas présentaient une réinfection. Il s'agit des cas les plus modérés chez des enfants de moins de 14ans.

Cependant, le test réalisé détectant le matériel génétique du virus, l'hypothèse la plus probable est que des débris viraux soient rejetés et que la personne n'aie pas été réinfectée. Ceci a été confirmé par une étude dont le but était de s'intéresser à l'immunité, et qui a montré que des personnes immunisées et n'ayant plus de virus pouvaient être positives au test PCR même 28 jours après la fin de leur maladie (barres rouges) :
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La fiabilité du test PCR est également intéressante par rapport à celle du diagnostic clinique. En effet, en comparant les patients testés positifs par PCR et ceux qui avaient été considérés comme positifs sur la base des symptômes, la mesure de la présence d'anticorps après la maladie est très différente :
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Les personnes testées positives par PCR ont bien des anticorps (gauche) alors que lorsqu'il s'agit d'un diagnostic sur les symptômes, près de 62% n'avaient en réalité pas eu le COVID19 (ou du moins n'ont pas développé d'anticorps).

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