samedi 20 août 2022

Le business juteux du Covid Long (Enquête sur les pratiques du Dr Patterson)

Il est recommandé de visionner la vidéo de Fantine, complémentaire à celle-ci, avant de s'intéresser à cette enquête.


La vidéo correspondant à ce texte sera prochainement postée ici :



Introduction :

Après presque deux ans et demi de pandémie de Covid 19, l’attention a été fortement portée sur les vaccins et leurs effets. Mais un sujet un peu moins médiatisé semble aussi faire les choux gras du business complotiste et des charlatans : le Covid Long.

A l’image de ses cousins, les syndromes post-infectieux, le Covid long est un spectre de symptômes persistants ou apparaissant après une infection par le SARS-Cov-2. Le problème avec ce Covid long, c’est qu’il reste encore mal défini laissant un grand nombre de patients dans l’errance et l’embarras. Il n’existe à la date de la publication de cette vidéo, aucun traitement efficace contre LE covid long, et pour cause, on ne comprend pas encore vraiment avec certitude comment ces symptômes apparaissent et s’ils sont en lien direct avec le virus.

Les syndromes post infectieux existent. On le sait depuis longtemps et c’est d’ailleurs à chaque fois la même problématique pour la grippe, ebola, les arboviroses, on ne sait pas ce qui cause ces persistances de symptômes et personne n’a vraiment de traitement à proposer.

Repensons un instant à Bernard de Fontenelle et sa dent en or, assurons-nous bien du fait avant d’en expliquer la cause. Assurons bien que ce que nous cherchons à traiter existe sur le plan scientifique avant de proposer un traitement révolutionnaire.


Récemment, la blogueuse Tatiana Ventôse a réalisé une vidéo sur un traitement miracle contre le covid long. Elle y fait l’apologie de pratiques dangereuses et potentiellement charlatanesques dans la forme. Cette vidéo, on l’a commenté sur les réseaux sociaux et un excellent débunk factuel a été fait par Fantine sur sa chaîne. On vous la partage ici en fiche et en bas dans la description. Allez la voir et abonnez-vous à sa chaîne ! 

Même si la vidéo de Mme Ventose est inadmissible et dangereuse, elle nous a permis de nous intéresser plus particulièrement à ce traitement, à ses bases scientifiques et à celui qui en fait la promotion via sa société, le Dr Bruce K Patterson et la société IncellDx. 




Un point sur le covid long :

Alors commençons par parler un peu du covid long. 

Le covid long ou les covid longs, c’est l’ensemble des symptômes qui vont persister dans le temps après la résolution de la phase aiguë de l’infection covid. Plus généralement, on parle de syndrome post-viral pour les virus et encore plus généralement de syndrome post-infectieux si cela concerne des bactéries ou des parasites. La persistance de symptômes post infection est quelque chose de rare mais de connu. Cela se voit dans les infections grippales, les infections par le virus de la dengue, Ebola… mais aussi après l‘infection par l’agent de la fièvre Q Coxiella burnetii et dans la maladie de Lyme.

La problématique de ces syndromes c’est qu’il existe un certain nombre de symptômes à la fois subjectifs comme la fatigue et objectif comme des perturbations biologiques et qu’il est parfois difficile de faire la part des choses entre ce qui est effectivement induit par l’agent infectieux et la réaction qu’il a provoquée, et ce qui est perçu par l’individu et qui n’a rien à voir avec l’infection.

Comme ces syndromes sont controversés, la recherche sur le sujet est lacunaire et peu de ressources thérapeutiques sont proposées laissant la porte grande ouverte aux marchands de vérités et aux diseurs de bonaventure. L’affaire du Lyme Chronique en est un parfait exemple.

Alors en ce qui concerne le Covid long, il existe plusieurs pistes de travail sur son origine, une persistance virale, un trigger d’auto-immunité, une immunodépression persistante, une inflammation à bas bruit… Toutes sont intéressantes mais à ce jour, seule la piste inflammatoire semble avoir été reproduite chez l’animal mais sans que nous puissions pour autant avoir la certitude qu’elle explique tous les symptômes (Article Science).

Il semble urgent de définir ce qu’est un covid long, en tout cas les symptômes qui relèvent vraiment d’une atteinte organique liée au covid. En effet, un certain nombre de symptômes pourraient être uniquement liée à une perception que se fait l’individu et ces symptômes seront donc accessibles fortement au pouvoir de la suggestion et de l’effet placebo. Mais surtout, la détresse dans laquelle les patients atteints de symptômes persistants sont actuellement, laisse la porte grande ouverte aux pratiques douteuses et aux vendeurs de miracle comme le bon docteur Patterson.

https://www.science.org/doi/epdf/10.1126/scitranslmed.abq3059

https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2785832



Qui est Bruce K Patterson ?


Selon les site d’IncellDx et covid long hauleurs (c’est la même description) le Dr Patterson est un anatomopathologiste qui a beaucoup travaillé sur le virus du SIDA. Il est l’auteur de 92 publications référencées sur la plateforme PubMed, une partie en rapport avec ses activités de recherche sur le VIH, et plus récemment en rapport avec ce que vend sa société IncellDx, du diagnostic moléculaire et cellulaire. Concernant le Covid il est coauteur de 7 publications dont aucune dans un journal majeur. Il est quand même le premier auteur d’un papier sur le VIH dans Science en 1993 (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8493534/). Il a été professeur associée à la prestigieuse université de Stanford en Californie où il a publié de nombreuses études autour du VIH et il crée la société IncellDx en 2009. 


Que fait IncellDx ?

IncellDx c’est une entreprise de diagnostic moléculaire qui s’appuie sur une technique innovante de diagnostic intra-cellulaire. Il s’agit essentiellement d’une application destinée à la cancérologie mais récemment, l’entreprise s'intéresse au Covid-19 comme cela est précisé sur leur site internet. Dans la liste de leurs produits sur le site, on ne retrouve cependant pas de produits en lien direct avec le Covid 19, il semble donc étonnant que cette entreprise s’intéresse au covid long. En effet, sur la page dédiée au Covid de leur site Internet, on voit deux choses : une vidéo de Fox Business parlant du traitement expérimental par Leronlimab, un anti HIV produit et délivré par la société CytoDyn, on y reviendra un peu plus tard,  et on trouve également quelques références bibliographiques, mais rien de précis sur un quelconque protocole.

Alors d’où vient l’intérêt de Bruce Patterson pour le covid long ?

Pour le savoir il faut s’intéresser au site https://www.covidlonghaulers.com/


En parcourant ce site, on peut voir plusieurs choses intéressantes :


Tout d’abord, l’équipe médicale, constituée du Docteur Patterson, du Dr Purvi Parikh et du Dr Ram Yogendra appelé sur les réseaux le Dr Yo.


On notera ce petit disclaimer en bas de page que je trouve particulièrement cocasse : 


Ils indiquent utiliser des traitements que la FDA a autorisés dans le cadre d’autres pathologies, mais qui ne sont pas approuvé pour le covid long. Ce traitement est donc considéré comme expérimental et son suivi doit être supervisé par un médecin


Ensuite, la méthode : on remplit un formulaire pour aller faire un test dans un laboratoire d’analyses, on reçoit les résultats quelques jours après, on discute d’un éventuel traitement avec un médecin et on ressort avec un cocktail de médicaments à prendre, souvent, on le verra, une molécule qui va agir sur la voie CCL5-CCR5 et d’autres molécules comme des médicaments anti-cholestérol ou anti-histaminiques…


(https://www.youtube.com/watch?v=bSObeeceZos)


La clinique nous indique que le traitement est personnalisé, mais en regardant l’experience de Tatiana Ventôse ou d’autres personnes il semblerait que le traitement soit quand même toujours un peu le même…

https://www.youtube.com/watch?v=g5zxVB7gRSc

https://www.youtube.com/watch?v=g5zxVB7gRSc

https://www.youtube.com/watch?v=YuwnWbuzCWk

https://www.youtube.com/watch?v=ROGcCUmmL58




A savoir une base de Maraviroc, un anti-VIH qui agit sur la voie du CCR5, aux lourds effets indésirables 

+ une statine, un traitement anti-cholestérol qui n’a pas réellement montré d'intérêt dans le covid 19 (https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0256899 ou https://www.bmj.com/content/376/bmj-2021-068407.short)


(https://www.youtube.com/watch?v=QkcI5LPTCkM 4m : fluvoxamine)

(https://www.youtube.com/watch?v=bSObeeceZos 31m, 1h35, 2h : ivermectine ; 2h26 : cyclosporine)

Pour se couvrir, il joue d’une astuce intéressante : il ne prescrit rien, il ne fait que des recommandations (https://www.youtube.com/watch?v=XX30o9GOQiE : 44m)



Mais au fait, c’est quoi la méthode ?

Le principe que Patterson décrit paraît logique et cohérent, le processus semble avoir des bases théoriques intéressantes. Il s’agirait d’analyser différents marqueurs du système immunitaire dans le sang de personnes se plaignant d’avoir les symptômes d’un covid long, et de les comparer à ceux qui ne disent pas en souffrir. En utilisant des technologies informatiques modernes de machine learning, il espérait ainsi trouver des différences entre des personnes souffrant de covid long, des personnes remises de covid long, des personnes sans symptômes… 


Intéressons-nous donc à la science derrière la méthode Patterson, et là désolé de vous décevoir mais les preuves sont faibles, très faibles, voire carrément inexistantes.


Le Dr Patterson nous vend donc une méthode de diagnostic clé en main permettant une adaptation du traitement à la personne.

Ce test diagnostic est un test biologique du taux de 14 cytokines dans votre sang. Une cytokine, c’est une petite molécule sécrétée par nos cellules du système immunitaire pour dialoguer entre elles. Il en existe des centaines et la biologie des cytokines est un pan très très complexe de la biologie. On en parle dans notre vidéo sur le système immunitaire, si vous voulez aller voir.

En bref, certaines cytokines vont permettre d’augmenter l’inflammation, de recruter des cellules, de permettre leur différenciation et de guider leur action. D’autres vont avoir un effet de modulation pour au contraire limiter et restreindre notre système immunitaire.

Le panel de cytokine est un outil souvent utilisé en recherche fondamentale, mais jusqu’à présent, aucun panel n’a montré une réelle utilité dans le diagnostic, le traitement ou le pronostic des maladies infectieuses ou inflammatoires.


Le docteur Patterson nous propose donc 14 cytokines que je vais vous lister ici : TNF-α, IL-4, IL-13,IL-2, GM-CSF, sCD40L, CCL5 (RANTES), CCL3 (MIP-1α), IL-6, IL-10, IFN-γ, VEGF, IL-8 et CCL4 (MIP-1β).

On retrouve dans ce panel un peu de tout, des cytokines impliquées dans la réponse inflammatoire de type I (TNF , de type II (IL4, IL13), des cytokines anti-inflammatoires (IL10), des cytokines implIquées dans le processus d’athérosclérose (RANTES…)… Si vous tapez le nom de chacune de ces cytokines + Covid dans Google, vous allez trouver des résultats. L’approche du Dr Patterson est donc d’identifier une signature cytokinique du covid long, ce qui en soit est une idée intéressante.

Pour valider une approche diagnostique, vous avez besoin de deux étapes :

- la première, c’est la construction de votre test. Sur quelle cohorte voulez-vous le tester ? Quels sont les éléments que vous voulez intégrer dans votre test (biologique, questionnaire, imagerie…) ? Et enfin quelle méthode statistique allez-vous utiliser pour tester les performances de votre nouveau test ? Si votre test est efficace selon vos critères alors vous avez obtenu ce qu’on appelle la validation interne de celui-ci. C'est-à-dire que votre test a des performances correctes dans votre population sélectionnée. Mais ce n’est pas suffisant !

- la deuxième étape pour valider votre test, c’est que vous devez l’utiliser dans une cohorte qui n’est pas celle que vous avez utilisée pour le fabriquer. Et ce afin de tester sa validité externe et sa capacité à réussir la mission que vous lui avez donnée. Cette deuxième étape est essentielle pour pouvoir valider correctement votre test car si votre population utilisée pour la fabrication du test est mauvaise, trop particulière, ou alors que votre méthode statistique d’élaboration du test est inadaptée, les performances de votre test peuvent s’avérer moins bonnes voire carrément inutiles.


Ici le Dr Patterson et son équipe nous proposent 2 études sur le sujet. Je vais tout d’abord me permettre une petite précision. Sur ces deux études, l’une est un pré-print, c’est-à-dire un manuscrit de recherche qui n’a pas été soumis à la critique de la communauté scientifique pour publication, le peer-review ou revue par les pairs. Tout le monde peut écrire et partager des pré-prints, ce n’est pas un gage de sérieux, au contraire, si un pré-print n’a pas été publié dans les mois qui suivent sa diffusion, alors soit l’étude est trop mauvaise pour être publiée, soit l’auteur ne l’a jamais envoyée pour revue ce qui est plutôt un acte de mauvaise foi et rarement bon signe, disons-le. 


Bon, reprenons ces 2 études.

Dans la première, publiée dans le journal Frontiers in Immunology en juin 2021, Le Dr Patterson et son équipe ont proposé de mettre au point une prédiction de la gravité du covid et une prédiction du covid long grâce à du machine learning.

Mais c’est quoi le machine learning ? Pour ça on va demander à MAtthieu Mulot, biostatisticien, spécialiste du data management et animateur de la chaîne YouTube et du blog Le biostatisticien, abonnez vous !


Bon, le machine le machine learning, c’est tout bête : on donne des données à l’ordinateur pour qu’il apprenne tout seul à prendre des décisions. Par exemple, on pourrait montrer à l’ordinateur plein de photos de fruits en lui disant à chaque fois si le fruit est pourri ou pas, et en utilisant un algorithme qu'on a choisi, l’ordinateur apprendrait tout seul à reconnaître les fruits pourris. Le problème c’est qu’on a très peu de contrôle sur la façon dont la machine décide des critères pertinents pour faire son choix. Par exemple, imaginons que dans les photos qu’on a montré à notre machine pour lui apprendre à reconnaître les fruits pourris on ai un petit bias : il y a davantage de poires dans le groupe pourris et quasiment aucune dans le groupe comestible. Si la machine rencontre dans le future une poire comestible… si elle a basé son choix de classement sur la couleur et la texture du fruit, il y a des chances qu’elel classe la poire comme comestible. Si par contre elle a ajouté un critère de forme, il y a de fortes chances qu’elle classe la poire comestible comme pourrie, puisque tous les fruits qu’elle aura vu avec cette forme auparavant étaient pourris.

Donc voilà, le machine learning c’est une espèce de boîte noire qui permet à l'ordinateur de prendre des décisions. C’est très pratique si on essaie de faire du curve fitting et qu’on s’en fiche un peu de comprendre tous les critères de décision. Par contre, ça ne permet pas de faire de test d’hypothèse, et de tester par exemple quel critère est associé à telle classe. Or, c’est précisément ce qu’on veut faire dans la recherche… Je vais revenir là dessus plus tard.

Dans le papier publié dans Frontiers, les auteurs ont une approche a priori pas bête : ils utilisent un algorithme de machine learning classique, les random forest, pour essayer d’apprendre à la machine à classer les malades dans le bon groupe (Covid sévère, léger, covid long, etc), en fonction de la concentration sanguine de 14 cytokines. Ensuite, ils ont calculé l’importance des variables dans la prédiction. c'est-à-dire qu’ils analysent le modèle pour savoir quelles cytokines l’ordinateur utilise pour classer les malades. C’est une approche qui permet de faire de la sélection de variable. En gros ça se tient. En théorie ça se tient du moins.

Dans la pratique il y a des problèmes : déjà, leur cohorte est beaucoup trop petite. 224 patients en tout dont 29 sains, 26 avec un covid léger, 48 avec un covid sévère, et 121 avec un covid long. 224, c’est trop peu pour faire du machine learning sur 4 classes, surtout avec 14 variables d’entrée ! En plus, les groupes sont super pas équilibrés et ça pose des problèmes. Pour surmonter ce problème, ils ont utilisé un algorithme de suréchantillonnage, SMOTE, qui permet de faire artificiellement gonfler les effectifs des petits groupes. Or, si cette approche est efficace d’un point de vue machine learning, elle ne permet pas de corriger les erreurs dues à un faible échantillonnage. Plus le groupe de personnes est petit, moins il a de chance d'être représentatif de la population dont il est tiré. Par exemple la taille moyenne des hommes en France est de 1.78m. Si vous prenez 2 personnes au pif dans la rue, il y a peu de chance que la moyenne de leur taille fasse pile poil 1.78m. Par contre si vous prenez une cohorte de 4000 hommes, là vous allez probablement trouver une taille moyenne assez proche de 1.78m. 

Cette taille d’échantillon, c’est un truc super important en statistiques parce que ça rentre en jeu dans le calcule de la fameuse p-value. En gros, plus votre échantillon est grand, moins vous avez de chance que le résultat que vous obtenez soit dû au hasard de l'échantillonnage. 

Donc je résume : ils ont fait une ramdom forest pour classer les malades en covid long/pas covid long en fonction des concentrations en cytokines. Ensuite, ils ont identifié quelles cytokines étaient importantes pour la random forest. Et là ils font un truc fantastique : ils sélectionnent ces variables et inventent des combinaisons de ces cytokines pour fabriquer des scores qui leur permettent de distinguer les covids longs des autres patients. Et ils déterminent un seuil de ce score à la mano pour classer. ça sort de nulle part. 

Ce qui me fait tiquer en tant que stateux, c’est qu’il existe des techniques assez classiques en statistiques qui permettent d’arriver sensiblement au même résultat. Par exemple on aurait pu utiliser des MANOVA (des anovas multivariées). La MANOVA permet de tester si un groupe (ici par exemple la classification des malades) a un effet sur la distribution de variables (ici les cytokines). Donc on aurait pu tester statistiquement s’il y avait des profils cytokiniques différents en fonction du groupe auquel appartiennent les patients.

Pour calculer un score, on aurait pu utiliser une analyse discriminante linéaire qui aurait permis de calculer un score un score en combinant linéairement les concentrations de différentes cytokines. Dans l’article dans frontiers ils ne font pas seulement une combinaison linéaire mais ils utilisent aussi des ratios. On aurait très bien pu calculer les ratio avant d’effectuer une analyse discriminante linéaire sur ces ratios. ça se fait très bien, il y a même des articles là dessus. 

Ils auraient pu le faire. Seulement, ces tests statistiques ont un très gros défaut : ils sortent une p.value. Et la p-value, ça vous permet de dire si vous pouvez conclure un truc avec vos données ou pas. Vu le nombre de catégories, le nombre de variables, et les faibles effectifs, ces analyses auraient très vraisemblablement été non significatives (je voulais les faire mais les données ne sont pas publiées avec le papier). Et donc en gros la conclusion de leur étude ça aurait été “Notre cohorte est trop petite pour tester notre hypothèse, nous ne pouvons pas conclure”. Là en utilisant du Machine learning, ils produisent un résultat qui ne s’évalue que sur sa performance (et un algo de machine learning bien paramétré est toujours assez performant, même si les données d’entrée sont pas top), sans jamais se soucier du fait que potentiellement leurs données ne sont pas représentatives des populations de patients qu’elles sont censées représenter. Vosu vous rappelez le coup des poires ? Et ben là c’est pareil : on a aucune description de la cohorte d’étude en termes de pathologie. Si ça se trouve tous les patients du groupe Covid long sont diabétiques et le machine learning a en fait réussi à repérer les profils cytokiniques des diabétiques et pas du tout ceux des covids longs. On a aucun moyen de le savoir


Bref : on a une cohorte pas décrite, avec des effectifs trop petits pour avoir des résultats significatifs. Mais on fait du machine learning, ça marche à peu près mais on sait pas pourquoi. Et on conclut des choses qu’on n’aurait pas pu conclure avec une approche statistique plus standarde et rigoureuse.


Et maintenant, parlant de l’autre papier. Ben non en fait, c’est en gros les mêmes problèmes, en pire, et c’est même pas relu par les pairs. Voilà.


(https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2021.700782/full (machine learning))


Mais au-delà des résultats, je m’interroge sur l’objectif caché derrière cette étude, notamment quand on y lit ce genre d’allégation : The identification of these hubs supports the possibility that the immune profiles of both Post-Vax and Lyme individuals have similar cytokine patterns.

Pour moi ça ressemble à un « science washing » afin de marketer un traitement unique qui pourra donc traiter Covid long, Lyme chronique et pourquoi pas ensuite fatigue chronique, fibromyalgies…

Un autre point me chiffonne, c’est de vouloir identifier un syndrome post-vaccin alors que cette entité, son existence est elle-même très controversée. Attention, loin de moi l’idée de dire qu’il n’est pas théoriquement possible, mais force est de constater que rien, à ce jour, ne permet de l'affirmer avec certitude et que, bien que bon nombre d’hypothèses soient à l'étude, rien n’est encore sûr.

Donc affirmer que cela existe me paraît présomptueux et me rappelle encore une fois l'histoire de la dent d’or de De Fontenelle.

(https://europepmc.org/article/ppr/ppr488517)


Hormis ces deux études, on ne retrouve rien d’autre sur ce fameux panel de cytokines. Pas vraiment de cohorte de validation.

Quand on retrace l’origine de ce panel, on trouve une autre publication de Patterson, mais dans cette publication, ce ne sont  pas 14 mais 48 cytokines qui étaient dosées. Et rien dans cet article ne justifie la sélection des 14 utilisées par la suite, ce qui reste donc un grand mystère puisque les auteurs de cette publication ne montrent que les résultats de 4 cytokines, l’IL1-béta, l’IL6, l’IL8 et le fameux CCL5.

(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1201971220323055?via%3Dihub)


Ici vous voyez bien que ce test est loin d’être fiable pour faire le diagnostic de covid long et de guider un traitement. On le verra plus tard, les résultats n’étaient pas vraiment importants pour le Dr Patterson car il avait déjà prévu la commercialisation de son test avant même d’avoir les résultats. 

Mais ce n’est pas tout, le Dr Patterson affirme également dans nombre de ses interventions, et comme le prétend Tatiana Ventôse dans sa vidéo, avoir trouvé le mécanisme du covid long. Qu’en est-il vraiment ?


Patterson a-t-il découvert le mécanisme du covid long ?

Au delà de revendiquer un test pour le diagnostic du covid long, Le Dr Patterson revendique aussi avoir trouvé le mécanisme du covid long. Regardons ça de plus près.

Il nous propose sur le sujet, deux publications. Une telle découverte, si elle est bien documentée, ça finit dans Nature ou Science mais ici on a encore le journal Frontiers in Immunology qui semble être le journal de prédilection de notre ami Patterson.

Avant de rentrer dans le vif des études, je vais rapidement vous expliquer pourquoi il choisit de publier dans ce journal. Le journal Frontiers in Immunology n’est pas en soi un mauvais journal. Mais le groupe Frontiers Media comme le groupe MDPI sont deux maisons d’édition au business plan assez redoutable. Les frais de publications sont élevés et la qualité de reviewing assez aléatoire selon les journaux. En 2015, Le groupe Frontiers était même considéré comme une pépinière de revues prédatrices qui ne sont en fait là que pour gagner de l’argent et ne sont pas là pour publier de la science de qualité. (https://forbetterscience.com/2015/10/28/is-frontiers-a-potential-predatory-publisher/)

Bien que Frontiers in Immunology soit un journal revu par les pairs, cela ne signifie pas forcément que la revue est toujours de grande qualité.

Regardons cette étude sortie en Janvier de cette année 2022. Dans ce papier, Patterson affirme qu’une certaine population de monocytes, qui sont des cellules du système immunitaire impliquées dans l’immunité innée, portent de façon persistante la protéine S1 de la protéine spike chez les personnes atteintes de covid longs. Dans cette étude, il regarde les différents types de monocytes présents chez des patients présentant un covid sévère et un covid long. On a donc 11 patients avec un covid sévère et 26 avec un covid long comparés à 8 contrôles. 

Mais y’a déjà un problème. Dans le paragraphe méthodes, les auteurs parlent de 144 patients répartis comme tels : 29 contrôles, 26 covid modérées, 25 sévères et 64 covid longs. Pourquoi se retrouve t’on avec seulement 8 controles, 11 patients sévères et 26 covid long ?

Et qui sont ces patients ? Ont-ils des comorbidités ? des pathologies pouvant expliquer en partie les résultats observés ? 

Les résultats montrent une quantité significative de monocytes portant le marquage CD16 chez les patients présentant un covid long. avec cependant une très grande hétérogénéité dans les données. Mais on a quand même l’impression que les 8 contrôles ont été sélectionnés pour aller un peu dans le sens des données. En effet, on ne retrouve pas beaucoup d'hétérogénéité dans le groupe contrôle par rapport aux deux autres. Mais la critique majeure de ces résultats c’est surtout que ces monocytes non classiques sont aussi élevés dans d’autres pathologies comme le soulignent les auteurs. Dans des pathologies comme le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde par exemple, des pathologies dont les symptômes peuvent se rapprocher de ce que décrivent les covid longs. Hors ici, on ne sait pas qui sont ces 26 patients triés pour cette étude et si oui ou non ils ont été testés pour d’autres pathologies avant de conclure au covid long. C’est un biais majeur car l’élévation de ces monocytes particuliers pourrait donc très bien être liée à une autre pathologie sur-représentée chez les patients étiquetés covid long.


Au-delà des monocytes, Patterson nous dit que l’ARN viral a été aussi recherché dans les cellules des patients présentant un covid sévère et un covid long. Là où on retrouve de l’ARN viral dans 4 patients sur 11 chez les covid sévères on ne le retrouve majoritairement pas chez les covid longs. En effet, on retrouve l'ARN chez un seul patient étiqueté comme covid long sur 26. Pas très convaincant.


Dans ces fameux monocytes portant le marquage CD16, que l’on appelle les monocytes non classiques dans la littérature, les auteurs retrouvent la présence à la surface des cellules l’expression de la protéine spike et notamment de sa sous unité S1. Les auteurs vont retrouver ce résultat en révélant le marquage grâce à un anticorps, ce qui est une méthode classique mais aussi en utilisant une technique très performante, la spectrométrie de masse.

Alors revenons à ces monocytes dit non classiques. En fait, ce sont une partie des monocytes, entre 2 et 10%, des monocytes circulants qui vont pouvoir être activés en cas d’infection. Leur utilité est de pouvoir guider et activer la réponse inflammatoire mais ils vont avoir une fonction particulière, celle de la présentation d’antigène (https://www.nature.com/articles/srep13886).

En gros, lorsque vous développez une infection, certaines cellules de votre corps vont être capable d’ingérer le pathogène et de présenter à leur surface des morceaux de celui-ci qui pourront donc être reconnus par les lymphocytes pour activer une réponse immunitaire plus ciblée. Quand vous êtes infecté par le virus du Sars cov 2, il est donc logique de retrouver des cellules exprimant des parties du virus et notamment la protéine Spike. Généralement la demi vie des monocytes est assez courte. Mais celle des monocytes non classiques peut être prolongée jusqu’à plusieurs semaines après l’infection et d’autant plus si la principale hypothèse du covid long est la persistance virale.(https://rupress.org/jem/article/214/7/1913/52198/The-fate-and-lifespan-of-human-monocyte-subsets-in)

L’apport de la spectrométrie de masse est censé nous prouver que dans ces cellules, il s’agit bien de la vraie protéine spike. Alors bien que je ne remets pas en question les résultats présentés, je suis étonné de l’absence de contrôle. En effet, Patterson nous présente les résultats de 6 patients covid longs seulement, pas de covid sévères et pas de contrôle. Difficile de savoir si on ne retrouve pas les mêmes résultats dans les autres patients.



Il manque pas mal de contrôles pour affirmer qu’il existe bel et bien des monocytes particuliers qui portent encore la protéine spike dans les covid long. En tout cas, cette étude est loin de le prouver par les expériences qu’elle propose. Et pour aller un peu plus loin, la simple présence de ces cellules n’est pas suffisante pour les incriminer dans un quelconque mécanisme pathologique. Pour cela il faudrait prouver que ces cellules particulières sont responsables de lésions, d’effets sur des cellules en cultures par exemple comme c’est fait dans cette publication sur l’implication de ces monocytes dans la fibrose hépatique (https://journals.plos.org/plosone/article/file?id=10.1371/journal.pone.0011049&type=printable), ou au contraire prouver qu’en l’absence de celles-ci, la maladie ne se développe pas, comme c’est fait dans cette publication qui utilise des souris génétiquement modifiées(https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4441550/). Or, on ne retrouve pas ce type d’expériences dans ce papier.  Sa pertinence au vu des nombreux biais et du manque d’expériences de validation est malheureusement proche de 0.

Concernant l’autre article, il s’agit d’une étude d’un seul patient présentant une persistance de la positivité de l’ARN viral jusqu’a 87 jours après l’infection par le virus. Alors ce patient est insuffisant rénal chronique, ça tombe bien, je connais pas trop mal ces patients !

Et bien chez les patients en insuffisance rénale, il se trouve que l’on retrouve assez fréquement ce phénomène, c’est d’ailleurs publié à plusieurs reprises dans la litératture, ici (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nep.13844) et ici aussi (https://cjasn.asnjournals.org/content/16/2/290?utm_campaign=TMDPC&WT_MC_ID=TMDPC&utm_medium=cpc&utm_source=TrendMD, FIGURE 1B c’est aasez éloquent).

Alors que le patient ait une immunité déréglée par le covid et l’insuffisance rénale qui explique ce résultat c’est tout à fait envisageable. Cependant, tous les patients présentant un covid long ne sont pas dans cette situation et donc cela rend son cas assez difficile à extrapoler.


Du coup, selon les articles de notre ami Patterson, il n’a vraiment pas découvert l’origine du covid long. Il a mis en évidence des éléments de preuves dont la robustesse sont vraiment très pauvres et uniquement rapportés dans un seul journal aux pratiques éditoriales, fluctuantes…

A-t-on autre chose à se mettre sous la dent concernant les résultats incroyables du Dr Patterson ?


Articles de Patterson:

https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2020.618402/full 

https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2021.746021/full 



La voie du CCR5-CCL5, pourquoi ? 


Ce qui ressort comme sentiment global quand on lit les études du Dr Patterson, c’est qu’il fait un véritable point d’honneur à parler de la voie cytokinique CCR5-CCL5. Chacune de ses études comporte la mention de la cytokine ou de son récepteur et il propose à ses patients, ou devrais-je dire à ses cobayes, de prendre quasi-systématiquement du maraviroc.


Pour ce qui est du rationnel du CCL5, on retrouve 2 études qu’il a signées concernant ce point. Elles ne concernent cependant que des patients ayant des infections Covid aiguës et non des Covid long. 

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32511656/ (CCR5 severe covid)

https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1201971220323055 (CCR5 severe covid)


La première est une série de cas concernant 10 patients graves dont une grande partie de patients immunodéprimés ayant reçu en plus de leur traitement en réanimation un anticorps monoclonal anti-CCR5 appelé le Leronlimab, on y reviendra en détail un peu plus tard. Dans cette étude les auteurs font l’apologie du traitement par Leronlimab en disant que cela a pu participer à l’amélioration des patients, mais dans cette série de cas, tout le monde a reçu le traitement donc pas de groupe contrôle donc pas de conclusion certaine sur l’efficacité réelle de ce traitement.

(https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1201971220323055?via%3Dihub)

La deuxième est une série de 4 cas dont la pertinence est plus ou moins la même.

Mais, de façon plus intéressante, la société CytoDyn, qui commercialise le Leronlimab a fait deux essais cliniques de respectivement 86 et 394 patients pour évaluer cette thérapeutique dans le covid. Or, le 17 mai 2021, la FDA alertait dans une lettre que ce traitement était inefficace contre le covid, contrairement à des annonces ambiguës du laboratoire. 

(https://www.fda.gov/drugs/drug-safety-and-availability/statement-leronlimab). Ce dernier a donc du préciser dans une lettre que son traitement n’était pas efficace sur le Covid 19. (https://d1io3yog0oux5.cloudfront.net/cytodyn/files/pages/cytodyn/db/256/content/Appendix_B_Dear_HCP_Letter_Final_.pdf)


Le laboratoire a tout de même testé le Leronlimab chez 55 patients Covid long dans une étude randomisée qui s’est avérée… négative (https://doi.org/10.1093/cid/ciac226)

Sur le site Clinical trials, qui recense tous les essais cliniques en cours, on retrouve 5 études concernant le Leronlimab et le covid. Deux études de phases 3 suspendues, l’étude des 55 patients négative et les deux études de phases 2 négatives raison pour laquelle les deux études de phase 3 sont suspendues. (https://clinicaltrials.gov/ct2/results?cond=&term=leronlimab+and+covid&cntry=&state=&city=&dist=)


On a donc 3 études randomisées négatives concernant cette thérapeutique et cet axe cytokinique. Alors pourquoi vouloir absolument traiter les patients avec une molécule qui agit sur cet axe ?


Car même en cherchant bien, on ne retrouve pas de travaux reliant directement cet axe à la symptomatologie du covid long. Le Dr Patterson nous dit simplement que CCL5 est augmenté chez ces patients. Mais CCL5 est un facteur libéré par les plaquettes dans les phénomènes de thrombose et on le sait maintenant, le covid en est un vecteur important. Dans l’infection covid aiguë, bloquer CCR5 aurait donc pu éviter des thromboses et donc potentiellement diminuer sa gravité : ce n’est malheureusement pas le cas (https://www.nature.com/articles/s41569-021-00552-1). Mais dans le covid long, l’hypothèse des microthromboses persistantes n’est clairement pas l’hypothèse principale et cela ne semble de toute façon pas marcher. En plus, bloquer CCR5 n’est pas forcément une bonne idée car ce récepteur joue aussi un rôle dans les phénomènes de réparation vasculaire.  (https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fphar.2020.00146/full)


Le Dr Patterson semble donner du Maraviroc, un autre inhibiteur CCR5 pour une grande partie de sa cohorte de patients. Mais alors, pourquoi donner du Maraviroc et sur quelles bases ?


Le Maraviroc est un traitement utilisé pour traiter l’infection à VIH. Effectivement, le virus du SIDA utilise le récepteur CCR5 pour entrer dans les cellules et donc en le bloquant, on limite sa prolifération. Bloquer le récepteur CCR5 c’est aussi une hypothèse testées dans les maladies cardiovasculaires pour combattre « l’encrassement des artères » qu'on appelle l’athérosclérose. En effet, les cellules inflammatoires vont utiliser le récepteur CCR5 pour se coller aux vaisseaux et rentrer dans la paroi afin d’y provoquer une inflammation et in fine une plaque de cholestérol ou plaque d’athérome. Mais là encore, rien de formellement établi en terme d’efficacité. 

Par contre, sa toxicité est assez large. On retrouve des symptômes génériques comme les nausées, les diarrhées mais aussi des choses plus ennuyeuse comme l’augmentation du risque de tumeurs du fait d’une action immunosuppressive et l’augmentation du risque d’infection aux virus de l'herpès, l’augmentation des sinusites et du risque de grippe…


Mais alors quelles sont les preuves concernant l'administration de Maraviroc dans le covid long ? Comme je vous l'indiquais plus haut, le rationnel du blocage CCR5 est faible après 3 études randomisées négatives avec le Leronlimab. Mais cela n’arrête pas le Dr Patterson qui se targue d’avoir soigné plus de 10 000 malades du covid long avec son protocole. Et c’est là que l’écran de fumisterie s'épaissit. Premièrement, bien qu’il ait traité plus de 10000 malades, on ne retrouve ni autorisation de la FDA, ni essai clinique sur le sujet sur Clinical trials. La seule preuve qu’avance le Dr Patterson c’est encore une fois un pré-print de, tenez-vous bien, 18 patients !

Oui, 18 patients, alors qu’il en a traité plus de 10 000. 

Pré-print évidemment sans groupe contrôle, qui se base sur des symptômes subjectifs avant/après et des marqueurs biologiques dont la pertinence dans le covid long n’est pas établie…


Voilà en substance les arguments scientifiques du Dr Patterson. Un panel de cytokine générique non validé et dont la pertinence n’est pas établie.

Un mélange de traitements tous plus inutiles les uns que les autres, et dont la preuve d’efficacité est inconnue voire carrément nulle (pour les inhibiteurs CCR5).

Cela ressemble fortement à de la charlatanerie non ?


Business :

La société IncellDx a été pointée dans un récent documentaire de la NBC (0:56 ici https://www.youtube.com/watch?v=aNyEvCz9cJI ) et dans divers articles de presse, indiquant que la société promeut des traitements non éprouvés.


De facon intéressante, on trouve que le Dr Patterson via sa société avait déjà scellé un accord avec MD biosciences pour la commercialisation de son panel de cytokines en septembre 2020 (https://www.prnewswire.com/news-releases/incelldx-and-md-biosciences-sign-definitive-agreement-for-commercialization-of-covid-19cytokine-storm-cytokine-panel-and-ccr5-receptor-occupancy-in-us-and-eu-301130733.html). Or, la publication sur ce sujet n’a été proposée en pré-print qu’en décembre 2020 et publiée en février 2021. Étonnant du coup de voir que le Dr Patterson savait par avance que son panel allait donner des résultats probants qui permettraient sa commercialisation ! A moins qu’il ait pensé à vendre son panel en sélectionnant et en arrangeant quelques données scientifiques pour que ça fasse moins bullshit.

On remarque aussi que le site Covid Long Haulers point com a été déposé en juin 2020 c'est-à- dire en amont de toute forme de publication de Patterson sur le sujet. Je crois qu’on a là la démonstration de ce que l’on appelle un business plan bien rodé avec un science washing assez classique. Figures d’autorités médicales, science de mauvaise qualité et pathologie mal définie, un peu controversée avec des patients en détresse.


On apprend aussi que le Dr Patterson a cherché à faire fusionner les deux entreprises CytoDyn qui commercialise le leronlimab et sa société incellDx dont il détient 34% des parts.

Depuis 2019, ce rapprochement était initialement pour un objectif de développer l’implantation en oncologie de la société CytoDyn et pour la réalisation de tests concernant le fameux marqueur CCR5 dans le cancer (https://www.globenewswire.com/news-release/2019/07/26/1892175/0/en/CytoDyn-Executes-Exclusive-Worldwide-Licensing-Agreement-with-IncellDX-for-PA-14-and-PRO-140-for-Diagnostic-Testing-Purposes.html).  En février 2020, la société annonçait qu’elle allait aussi collaborer avec IncellDx dans le covid. Etonnant n’est ce pas car à cette époque, IncellDx n’a aucune forme de publication sur son panel de cytokines comme cela nous est rappelé plus haut (https://incelldx.com/incelldx-content/uploads/2020-02-12_CytoDyn_Signs_Letter_of_Intent_for_the_Joint_384.pdf). 

Mais rapidement on se rend compte que le deal était foireux.

Le Dr Patterson via un groupe d’activistes présidé par un certain Paul Rosenbaum cherchait à tirer un avantage personnel de l’acquisition d’IncellDx. Un groupe d’actionnaires a tiré la sonnette d’alarme voyant que le duo Rosenbaum/Patterson n’était pas transparent sur ses intentions (https://www.cnbc.com/2021/07/24/large-shareholder-group-calls-for-a-board-overhaul-at-pharma-company-cytodyn.html). En effet, Rosenbaum détenait à la fois des actions chez Cytodyn mais il détient aussi des parts de IncellDx. Selon les différents rapports de justice concernant cette affaire on remarque que Patterson cherchait à se faire de l'argent sur cette affaire. En effet, étant actionnaire principal d’IncellDx, le rachat de la société par CytoDyn pour la somme promise de 350 millions de dollards lui aurait rapporté personnellement 115 millions et sa femme aurait touchée quand à elle 8 millions de dollards. L’accord lui aurait permis d’acquérir du pouvoir dans la société CytoDyn en voulant être nommé au conseil d’administration (It is clearly a direct conflict of interest for Dr. Bruce Patterson to continuously seek to force a relationship between IncellDx and CytoDyn while trying to gain a seat on the Board of Directors of CytoDyn. 2) mais aussi de promouvoir ses tests biologiques sans bases scientifiques solides, c’est même rappelé dans les documents de justice (citation : To add insult to injury, the Activist Group not only choose Dr. Patterson to be on its slate, it also supports the use of Dr. Patterson’s unproven test, which would allow Dr. Patterson to profit from CytoDyn 2) 

Enfin malgré l’échec de l’accord initial, Patterson s’est quand même montré insistant comme le relate cette note du tribunal d’octobre 2021 : IncellDx: “The Board legitimately suspected that Patterson and others were keen on revisiting the failed attempt to combine IncellDx and CytoDyn. … For Plaintiffs not to appreciate the presence of that elephant in the room reflects either reckless indifference or deliberate gamesmanship… [E]vidence clearly reveals that such a transaction was at least being contemplated by the IncellDx insiders and Rosenbaum. [An] email chain reveals that Patterson continues to believe that a merger would be in the best interests of both companies; he writes: “it HAS to happen solely because of our IP. We haven’t made a big deal about it because we view the 13D as an opportunity to bring this together in a 1+1=3 scenario.” In yet another email, Patterson declares, “The takeover is starting!,” and then explains, “Yes this is the beginning of getting the deal I sent to you consummated!!” (source 3)


C’est dommage pour le Dr Patterson car effectivement il est passé à côté d’une manne financière importante. Entrer au conseil d’administration de la société Cytodyn lui aurait permis de pouvoir proposer la thérapeutique leronlimab aux covid longs de sa clinique tout en faisant du profit sur le panel de cytokines qu’il aurait vendu pour les tests de la société. Mais une fois l’acquisition compromise, il s’est mis à critiquer le leronlimab et à lui préférer le maraviroc, que Pfizer commercialise sous le nom de spécialité Selzentry…bon depuis février 2022, que les antivax se rassurent, il existe un générique proposé par la société Camber Pharmaceuticals.


https://twitter.com/brucep13/status/1461523383137574921 

https://twitter.com/SkyWalker867530/status/1475777811310952449 


1, https://www.businesswire.com/news/home/20210920005619/en/

2, https://www.businesswire.com/news/home/20210929005271/en/CytoDyn-Comments-on-RosenbaumPatterson-Activist-Group-“Plan

3, https://www.sec.gov/Archives/edgar/data/1175680/000119312521298898/d164303dex991.htm




Lyme doctors et antivax :


Revenons à l’idée générale du Dr Patterson, qui souhaitait guérir le Lyme chronique, la fibromyalgie et le covid long, bref toutes les pathologies un peu difficiles à définir, avec sa méthode révolutionnaire. 

En businessman avisé, il a su tout de suite s’allier aux meilleurs acteurs sur le marché. Dans le cas du Lyme chronique, il existe un réel scandale de santé public avec ce qu’on appelle les “Lyme doctors” qui prescrivent des antibiotiques au long cours en absence de présence de la borréliose de Lyme (https://forbetterscience.com/2020/10/26/christian-perronne-and-other-chronic-lymericks/ et le livre d’Eric Caumes). Ils se sont regroupés au sein de l’International Lyme and Associated Diseases Society, connue pour faire intervenir de faux experts et émettre des recommandations mettant en danger la santé publique (https://lymescience.org/chronic-lyme-literate-ilads-guidelines-condemned/ ). 

Eh bien le Dr Patterson se trouve être invité au congrès de l’ILADS 2022 ! 

https://www.ilads.org/ilads-conference/orlando-2022/


Il n’hésite pas à intervenir à une conférence en présence de Richard Horowitz, ancien président de l’ILADS, lors d’une conférence (https://www.youtube.com/watch?v=El1rdF8XET4 ) organisée par un institut de médecine intégrative, concept qui intègre de nombreuses pseudosciences et pensées magiques dans les parcours de soin, provoquant de réels risques pour les patients ( https://sciencebasedmedicine.org/the-harm-of-integrative-medicine-a-patients-perspective/ ). Ses liens avec la médecine intégrative sont multiples, il a également été invité à donner une présentation à la foundation for total recovery (https://www.youtube.com/watch?v=axxTCFpYrmc), encore une structure liée à la médecine intégrative avec Gary Kaplan, fondateur du Kaplan center for integrative medicine (https://www.brainonfire.org/about-us/).




Il s’exprime certes régulièrement au sujet du Lyme chronique ( https://www.youtube.com/watch?v=JwjJs5ZHKJI 34m), mais pas seulement. Dans cette même vidéo il est fait référence à un traitement qu’il propose conjointement avec le FLCCC (2m) et où il ne cache pas sa proximité avec le Dr Pierre Kory (19m).


En effet, on peut même retrouver les praticiens qui appliquent son protocole sur le site du FLCCC en tapant son nom dans la barre de recherche :

https://covid19criticalcare.com/ivermectin-in-covid-19/covid-19-care-providers/

parmi d’autres charlatans que l’on retrouve en recherchant “long haul”

https://www.latitudeclinic.com/learn-to-live-with-long-covid-not-the-right-answer/


Pierre Kory s’est présenté devant le sénat avec le soutien de Jane Orient de l’AAPS, un groupe de pression politique américain pro-Trump visant à déréguler le système de santé aux Etats-Unis (https://aapsonline.org/early-treatment-saves-lives-aaps-testifies-before-u-s-senate/). 

Il a fait la promotion de l’ivermectine malgré les nombreuses fraudes scientifiques, les publications rétractées et le business qui s’est développé autour pour alimenter les caisses de groupes d’extrême droite aux Etats-Unis (https://theintercept.com/2021/09/28/covid-telehealth-hydroxychloroquine-ivermectin-hacked/ ).


Conclusion :

Voilà en substance les arguments scientifiques, économiques et politiques du business du Dr Patterson. On sent bien qu’ici nous avons à faire à une personne qui cherche à se faire de l’argent sur le covid long, mais aussi d’autres pathologies comme le lyme chronique ou les maladies de type fibromyalgies, fatigue chronique. Il jouit, comme beaucoup de ses prédécesseurs dans le sujet de la pseudoscience, d’un background scientifique solide lui permettant d’utiliser son argument d’autorité et il sait utiliser le vernis scientifique pour attirer dans son arnaque un grand nombre de gens qui ne connaissent pas véritablement le sujet. Il va jouer sur l’urgence, le désespoir, se poser en chevalier servant, luttant pour aider des patients désespérés, contre la doxa de la science protocolaire et rigoureuse. Ce qui est devenu un grand classique en médecine, j’en ai bien peur. 

Mais soyons clairs, sa démarche est purement financière, il n’y a rien de scientifique là dedans.

Quand on veut proposer un traitement, un test, un truc pour soigner, diagnostiquer ou pronostiquer une maladie. La bonne façon de faire c’est d’abord de tester son hypothèse, de la valider solidement et enfin de la commercialiser. Ici, le Dr patterson a d’abord commercialisé son test pour se faire de l’argent avec sa société et ensuite éventuellement va lui donner une couleur scientifique en sélectionnant des données qui vont dans son sens. Cela ressemble plus à une démarche de marketing utilisant de la mauvaise science pour se légitimer. Une forme de science washing pas très ragoutante. Il va utiliser les témoignages d’influenceurs en tout genre, comme celui de Mme Ventose, construire sa réputation sur les réseaux sociaux et dans les médias peu regardant du fondement scientifique.

Nous sommes tout à fait conscients que les problématiques des syndromes post-viraux et des maladies comme la fatigue chronique sont de vraies pathologies, avec des vrais symptômes et une vraie souffrance. Mais c’est bien parce que ces pathologies sont à la fois bien réelles mais mal définies sur le plan scientifique qu’elles sont une cible providentielle et privilégiée pour toutes les personnes qui veulent en profiter financièrement.

Le Dr Patterson a un but précis, s’enrichir. Nous vous l’avons démontré dans cette vidéo. Comment un médecin qui prétend avoir soigné plus de 15000 patients n’est pas capable de produire des études qui rassemblent plus de 200 patients ? N'ont-ils tous pas eu le panel cytokinique ? Le traitement révolutionnaire ? 

Alors quelqu’un qui promeut un traitement et un test avant même de savoir s’il va être efficace ou pertinent, qui refuse de produire des résultats scientifiques permettant de répondre à ces questions et qui profite financièrement de la prise en charge.... Un charlatan ?



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