vendredi 24 avril 2020

Covid19 - aspects épidémiologiques

Je ne suis en aucun cas épidémiologiste, mais sachant un peu lire la science, et la demande étant croissante dans ce domaine, je me suis dit que ça ne ferait pas de mal de faire un peu le tour de ce qui se dit dans le domaine. Alors gros avertissement : il peut y avoir des erreurs dans ce document, merci de me les signaler pour que j'édite la page et que j'améliore le contenu en conséquence !

Nous commençons à bien connaître les caractéristiques du virus. Les hommes sont plus à risque que les femmes et les personnes âgées sont plus à risque que les jeunes.

1) Les chiffres

Plusieurs sources comptabilisent le nombre de cas et le nombre de décès. La référence reste la Johns Hopkins university :


Il existe aussi les données de Our World in data :


John Burn-Murdoch a fait des graphiques calibrés sur le 3ème mort déclaré par pays, également très intéressant pour comparer. On peut aussi visualiser l'évolution du nombre de cas de façon dynamique.

Mais en France, une initiative intéressante a été proposée par des chercheurs de Icube Thibaut Fabacher, et un système de visualisation basé sur Santé Publique France a vu le jour.

La différence entre les pays s'explique en majeure partie par la date du premier cas et la température, mais d'autres facteurs comme les mesures de confinement entrent également en jeu.

Pour ce qui est de la comparaison avec la "surmortalité en période d'épidémie de grippe saisonnière", je rappelle que le calcul consiste à comparer 2 mois de mortalité en période d'épidémie et 2 mois hors épidémie, ce qui indique une "surmortalité" d'une 10aine de milliers de morts dans les pires cas. Et ces décès ont lieu dans une population partiellement immunisée, partiellement vaccinée, sans confinement ni mesures de distanciation. Les effets du sars-cov-2 sont majeurs comparés à ceux de la grippe, malgré une létalité qui reste dans un ordre de grandeur proche et une contagiosité similaire, car il n'y a pas d'immunité pré-existante et que sa mortalité reste importante.

Sans aucune mesure, avec un taux de létalité de 1% sur 60% de la population mondiale, on arriverait donc à 0,6% de la population mondiale qui mourrait, soit près de 50 millions de personnes. Sans compter le risque de mutation, de réinfection, d'aggravation...

Pour vérifier les effets, des comparatifs en fonction des années ont été diffusés notamment sur euromomo ou sur le financial times. On peut aussi s'intéresser plus précisément à la france sur la base de data.gouv.fr :



2) Le taux de létalité

Le taux de létalité (mortality rate) se calcule en faisant la fraction du nombre de morts divisé par le nombre de positifs. L'inconvénient étant que le nombre de positifs dépend directement de la campagne de test : plus on teste, plus le taux de létalité baissera, sans qu'il n'y ait réellement une létalité plus faible dans une ville, une région ou un pays. C'est pour cela qu'on calcule le taux de létalité sur la base des lieux les plus testés, rétrospectivement.

A cause des nombreux cas asymptomatiques, deux chiffres sont souvent avancés : un taux de létalité dit CFR (case fatality rate), et un taux de létalité IFR (infection fatality rate) ajusté, tenant compte des asymptomatiques et inférieur au CFR. Les données ci-dessous sont celles du CFR et sont donc surestimées.

Une étude parue à la mi-Mars a indiqué un taux de létalité aux alentours de 1,4%. Ce taux a été confirmé pour Wuhan, mais abaissé à 0,85% hors de Hubei. En Angleterre, il est aussi à 0,9%. Globalement, l'OMS estime que la létalité est d'environ 0,72% d'après les divers modèles au 9 Avril 2020. Le meilleur exemple est celui du Diamond Princess, ce bateau de croisière avec 3711 passagers, 705 cas positifs et seulement 7 décès, amenant donc un taux de létalité final à 0,99%.

La valeur estimée de l'IFR, moins fiable, se situe entre 0,1 et 0,36% au 9 Avril 2020.

Le taux de létalité peut aussi dépendre de la qualité des soins et du nombre de lits disponibles en réanimation, ce qui explique l'intérêt présenté plus bas d'"aplatir la courbe".

3) La transmission du virus

Le virus est transmis par la voie respiratoire ou par les différentes sécrétions (gouttelettes, salive, expectorations...). Il semble qu'elle peut également se faire directement dans l'air. La transmission peut se faire avant apparition des symptômes, et certains patients sont même des vecteurs totalement asymptomatiques. Bien qu'il faille environ 10 à 20 jours pour se débarrasser du virus, il arrive que la maladie persiste plus de 50 jours.

La dynamique de la transmission par voie aérienne a été étudiée en collectant les particules par diamètres séparés, et en analysant la charge virale présente dans différentes zones d'un hôpital chinois. Voici le type de résultats obtenus :
C:\Users\Linsey\Desktop\Wuhan.png

Le diamètre du virus est de 0,1 µm, et il a été retrouvé majoritairement sur des gouttelettes plutôt fines (0,25 à 0,5 µm).

La plus forte charge virale a été retrouvée dans une salle où le personnel médical enlevait son équipement de protection. On en a trouvé également une forte concentration dans les toilettes d'un patient hospitalisé. La plupart des échantillons n'ont pas permis de détecter de virus, mais à l'extérieur de l'hôpital dans les lieux les plus bondés de faibles quantités de virus ont été retrouvées. Ces quantités n'étaient sans doute pas suffisantes pour infecter une personne.

La spécialiste Linsey Marr propose de nombreuses ressources sur twitter.

On utilise une valeur, le Rt, permettant d'identifier combien de personnes sont infectées par une personne elle-même infectée. Lorsque cette valeur est supérieure à 1, le virus va se propager, si elle devient inférieure à 1 le virus cesse de se propager. La valeur du sars-cov-2 semble proche de l'ancien sars-cov, et malgré une estimation autour de 2 par l'organisation mondiale de la santé, elle pourrait être un peu supérieure et s'approcher de 3.

Il existe une voie de transmission par les selles, car on y retrouve du virus. C'est sans doute ainsi que les canalisations ont pu être infectées, notamment en Hollande. Dans les grands bâtiments, les systèmes de ventilation sont également un risque de transmission potentiel.

Une étude détaillée a permis de préciser certains aspects : le virus est présent plus longtemps dans les selles que dans le sang ou dans le nez. La charge virale est plus élevée dans les cas les plus graves.

Voici un schéma résumant les différents tests effectués pour rechercher le virus :


Depuis, on a également trouvé le virus dans le sperme, en faisant une maladie qui pourrait être sexuellement transmissible.

La détection se fait soit par PCR, c'est à dire lecture du matériel génétique viral, soit par détection des anticorps :
Image

La transmission du virus devrait a priori se poursuivre en été, même si elle devient plus difficile, il y a des risques que l'épidémie ne s'arrête pas durant la saison estivale.

Les masques de protection permettent de limiter la transmission du virus. Evidemment, il en existe diverses qualités : du FFP2, filtrant, qui aide à éviter d'être contaminé, au masque chirurgical simple qui sert à éviter de contaminer autrui mais qui apporte une protection limitée.

L'infographie suivante est exacte sur le principe, mais les niveaux de protection semblent hasardeux vu l'historique du parisien qui indiquait 1 mois auparavant "aucune protection" pour des masques en tissu...


Nous pouvons tout de même aller plus loin en analysant notamment le diamètre des particules et gouttelettes éjectées. En effet, celles-ci retombent à une distance de 1,5 mètres lorsqu'elles ont un diamètre très faible (inférieur à 10 µm) et peuvent atteindre six mètres lorsqu'elles sont plus grandes (> 0,1mm) pendant qu'on éternue.



Ce sont les gouttelettes les plus larges qui vont permettre l'infection, car elles sont retenues dans la région du naso-pharynx qui exprime le plus fortement le récepteur ACE2, plus que les bronches ou les alvéoles qui sont plutôt un lieu d'infection secondaire :




Selon la qualité du masque utilisé, par rapport à une valeur de référence de 100%, voici ce qui pourra passer dans les deux sens (tea cloth = fait maison, surgical = chirurgical, FFP2). On voit que le masque nous protège beaucoup plus qu'il ne protège notre entourage.


Souvent, face à la pénurie, des masques en tissus fabriqués maison sont proposés :

Evidemment, la qualité de ces masques est très différente selon le tissu utilisé, et il semble que la meilleure combinaison soit un coton à tissage serré (barrière physique, "mechanical") avec de la soie (barrière électrostatique) :



Pour les adeptes du jogging, une étude a été menée pour vérifier le flux d'air et la meilleure façon de se positionner lorsqu'on court, pour éviter les contaminations. Sur la base de cette étude, la distance sociale recommandée est de 1,5 mètres en statique, 5 mètres en marchant et 10 mètres en courant, sachant que la zone la plus exposée lors d'un déplacement est celle juste derrière la personne en mouvement.




4) Le confinement

Une excellente stratégie pour maîtriser l'épidémie a été montrée à Taïwan :

Pour éviter les transmissions, on teste massivement, puis on isole les personnes positives en surveillant leur température. De même, les voyageurs sont isolés très tôt et très rapidement. Lorsque l'épidémie s'est déclenchée car les mesures n'étaient pas assez strictes, il peut être trop tard pour mettre en place correctement cette stratégie et il faut alors mitiger l'épidémie.
Pour ce faire, des mesures de distanciation sociale sont entreprises, chacune ayant une efficacité différente. Ainsi on va "aplatir la courbe" (rouge), éviter un emballement du nombre de cas simultanés pour arriver à une capacité acceptable pour les hôpitaux (vert). Cependant, après déconfinement, il y aura un risque de relancement de l'épidémie (bleu).

Figure thumbnail gr1

Un rapport anglais a notamment analysé l'effet escompté des mesures de distanciation sociales envisagées et les a comparées à la capacité en lits dans les services de réanimation (rouge) : si on ne fait rien (noir), si on ferme les écoles et les universités (vert), si on isole les cas positifs (orange), si on isole les cas positifs et leur ménage (jaune) et si on isole les personnes âgées de plus de 70 ans en plus (bleu).
While the critical care capacity remains fixed, most mediation methods allow enough cases to vastly exceed it.

Dans certains pays, notamment ceux d'Afrique, les mesures de distanciation sociale sont à mettre en balance avec les risques liés à la famine. En France, l'état du confinement fait l'objet de rapports réguliers.

5) La fermeture des écoles

L'objectif de la fermeture des écoles est une distanciation sociale accrue, car les écoles, collèges et lycées sont des lieux avec beaucoup de contacts sociaux, comme l'indique une étude britannique. De ce fait, la fermeture des écoles a été une mesure prise lors d'épidémies localisées. Dans le cas de la grippe par exemple, 70% des contaminations ont lieu en-dehors du domicile, et 37% de ces contaminations ont lieu à l'école. Traduit en modèle mathématique, avec divers niveaux de Rt, l'effet de la fermeture des écoles est une nette réduction du pic de l'épidémie dans le cas de la grippe.  Globalement, le pic épidémique peut être réduit de près de 30% grâce à la fermeture des écoles dans le cas de la grippe. Cependant, cette mesure est la plus efficace lorsque cette mesure réduit réellement les contacts sociaux, de préférence dans une maladie peu contagieuse et dont le taux d'infection des enfants est élevé.

L'efficacité de la fermeture des écoles dans le cadre du sars-cov-2 est donc encore débattue : il est aussi possible de prendre d'autres mesures de distanciation sociale moins drastiques et peut-être tout aussi efficaces dans le cadre de cette maladie, selon le rôle joué par les enfants dans la transmission.

6) Les enfants

Une étude sur 36 enfants testés positifs indique que près de la moitié n'avaient pas (28%) ou peu de symptômes (19%). Ceci a été confirmé sur une cohorte plus importante de 171 enfants dont 15,8% étaient totalement asymptomatiques, et 7% n'avaient aucun symptôme malgré des signes de pneumonie détectés au scanner. Et pourtant les enfants asymptomatiques peuvent avoir une charge virale détectée même dans les selles.

Globalement, les enfants présentent moins de signes cliniques et moins de symptômes lorsqu'ils sont infectés, et représentent donc un vecteur moins facile à détecter. Ils n'ont pourtant pas de différence significative par rapport à la population adulte en termes de nombre d'enfants infectés : ils peuvent attraper le virus avec la même probabilité. leur charge virale est également la même que celle des adultes : il n'y a pas de grande variabilité dans la charge virale selon l'âge.

La maladie de Kawasaki est encore peu connue, c'est une maladie émergente dont le nombre de cas reste très rare. Sa prévalence est plutôt asiatique. Aucun cas n'a été rapporté dans les enfants touchés en Chine, mais des britanniques ont alerté sur quelques cas décelés durant l'épidémie de covid19. Ainsi, cette maladie reste surveillée mais son lien avec le sars-cov-2 n'est en aucun cas établi. Un traitement existe déjà : l'infliximab.

7) Immunité - réinfection

Pour que l'épidémie ne puisse plus se déclencher, il faut qu'un nombre suffisamment important de personnes aie développé une immunité soit en ayant été infecté, soit en étant vacciné. Ainsi, le virus ne pourra plus trouver suffisamment d'hôtes réceptifs pour être transmis d'une personne à une autre et l'épidémie prendra fin.

Cependant, une caractéristique intéressante du sars-cov-2 est qu'il semble pouvoir réinfecter plusieurs fois la même personne. Des tests effectués chez le singe contrent cette hypothèse : le singe n'a pas pu être réinfecté après une première exposition. Sur 262 cas par exemple, une étude rétrospective a montré que 15% des cas présentaient une réinfection. Il s'agit des cas les plus modérés chez des enfants de moins de 14ans.

Cependant, le test réalisé détectant le matériel génétique du virus, l'hypothèse la plus probable est que des débris viraux soient rejetés et que la personne n'aie pas été réinfectée. Ceci a été confirmé par une étude dont le but était de s'intéresser à l'immunité, et qui a montré que des personnes immunisées et n'ayant plus de virus pouvaient être positives au test PCR même 28 jours après la fin de leur maladie (barres rouges) :
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La fiabilité du test PCR est également intéressante par rapport à celle du diagnostic clinique. En effet, en comparant les patients testés positifs par PCR et ceux qui avaient été considérés comme positifs sur la base des symptômes, la mesure de la présence d'anticorps après la maladie est très différente :
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Les personnes testées positives par PCR ont bien des anticorps (gauche) alors que lorsqu'il s'agit d'un diagnostic sur les symptômes, près de 62% n'avaient en réalité pas eu le COVID19 (ou du moins n'ont pas développé d'anticorps).

mercredi 22 avril 2020

Covid19 et traitements naturels


En introduction, il me paraît utile de préciser un peu de contexte : je suis très peu porté sur les parasciences/pseudosciences/médecines alternatives. Je considère que ce type de traitements relève plutôt de l'effet placébo que d'une réelle efficacité. Mais je ne le combats pas si âprement, sauf quand Boiron tue des canards pour vendre du sucre. Je trouve qu'il vaut mieux parfois un traitement homéopathique (c'est-à-dire "rien" ou "du sucre" dans mes termes) que de prendre un médicament qui pourrait éventuellement apporter une toxicité ou aggraver une pathologie (dédicace au professeur Raoult). Je ne suis pas compétent pour vous donner une recette d'huiles essentielles non plus (et ça peut être dangereux car c'est parfois très concentré).

Je ne vais donc pas vous présenter ici un remède ésotérique, et si vous êtes venus pour ça, merci de m'en pardonner mais je ne pourrai pas vous aider. Je viens ici vous faire l'inventaire de ce qui a été publié dans le domaine des produits naturels pouvant prévenir ou aider à guérir du Covid19. Je doute de leur efficacité, mais j'estime que s'il faut prendre quelque chose préventivement ou s'il faut prendre un traitement quelconque alors qu'on a peu de symptômes et que la maladie semble prendre une évolution favorable sans rien prendre aussi, si on est mécontent d'avoir été renvoyé à la maison et qu'on ne peut pas rester "sans rien faire", il vaut mieux passer par des produits alimentaires courants qu'on aurait pu manger tout à fait par hasard aussi.

C'est pour cela que je recommande de ne pas prendre des compléments alimentaires contenant ces éléments, mais plutôt de s'orienter vers une alimentation saine et riche en certains produits que je vais dérouler ici.

1) Les produits identifiés par bioinformatique

Une approche très simple consiste à utiliser l'informatique. On peut modéliser la structure 3D du spicule ou de la polymérase virale, et regarder si des molécules peuvent s'emboîter, se fixer sur ces structures sans que cela ne demande trop d'énergie. En effet, plus les formes sont adaptables et emboîtables, moins il faut "forcer" et donc moins il faut d'énergie pour qu'ils se lient. Et apporter des éléments qui vont se lier au virus permettent de le gêner dans son fonctionnement. Voici un schéma du processus appliqué aux flavonoïdes par exemple :

(1) On part d'une bibliothèque virtuelle de candidats, ici 80 flavonoïdes
(2) On utilise une modélisation des protéines du sars-cov-2
(3) On vérifie leur potentielle liaison aux protéines du sars-cov-2
(4) On calcule les scores de liaison

Les meilleurs candidats flavonoïdes retenus sont :
Hesperidine : citron, orange, clémentine
Diosmine : peau de citron
Rutine : sarrasin, persil, rhubarbe, myrtille, asperge, oignon, coing
Apiine : persil, céleri

La rutine a une structure proche de la quercétine (3,3 ′, 4 ′, 5,7-pentahydroxyflavone), également étudiée dans le cadre d'autres pathologies virales et qui semble intéresser certaines équipes de recherche. On la trouve dans les câpres, livèches, piments forts jaunes et crus, sureau noir (attention, le sureau yèble, plante annuelle, est toxique, et le buisson est comestible), chocolat noir, oignon cru rouge, myrtille sauvage, cassis, brocoli cru, thé vert, cerise, vin rouge (mais l'alcool risque d'éliminer les flavonoïdes), pomme crue avec peau et thé noir.
La quercétine est un flavonoïde qui possède une activité antioxydante (désactivation des radicaux libres pour former des radicaux phénoxy moins réactifs). Elle a été identifiée à de multiples reprises comme bon candidat en bioinformatique. La quercétine favorise également la production d'oxyde nitrique synthase et donc la production de monoxyde d'azote (1, 2, 3, 4, 5). La quercétine ou ses dérivés réduisent l'infectiosité ou la réplication du virus de l'herpès simplex de type 1, du poliovirus de type 1, de l’hépatite C, du virus de la parainfluenza de type 3, de l'adénovirus, du virus respiratoire syncytial et du virus de la grippe in vitro, ainsi que le virus sars-cov murin et la dengue murine. Il a également été démontré que la supplémentation en quercétine réduit la sensibilité à l'infection par le virus de la grippe A et la gravité de la maladie chez la souris et les symptômes des infections des voies respiratoires supérieures chez les athlètes. La supplémentation en quercétine augmente modestement la biogenèse mitochondriale des muscles squelettiques chez les athlètes non entraînés, ce qui est associé à une amélioration des performances physiques. Étant donné que les mitochondries orchestrent la signalisation antivirale après la reconnaissance des composants viraux cytosoliques, il peut exister une relation entre la biogenèse mitochondriale induite par la quercétine et une sensibilité réduite à l'infection grippale. Récemment, une équipe a montré que  l’ Epigallocatechin Gallate et la quecétine inhibent la principale protéase du SRAS, 3CLpro avec une IC50 de 73 μM in vitro. De plus, la quercétine inhibe à la fois les protéases du sars-cov de 2002/2003, 3CLpro et PLpro, et la protéase 3CLpro du virus mers-cov in vitro. La quécertine module également la réponse aux protéines dépliée (UPR). Comme les coronavirus utilisent l'UPR pour achever différents stades du cycle de vie viral pendant l'infection, Nabirotchkin et son équipe ont suggéré que la quercétine pourrait avoir des effets anti-coronavirus par sa modulation de cette voie.
Une combinaison de quercétine, thé vert, cannelle, réglisse, sélénium a été proposée comme traitement potentiel.
Elle a également été proposée en combinaison avec de la vitamine D par une approche génomique.


Celle-ci a été identifiée dans une autre analyse bioinformatique, avec :
Kaempferol : épinard, chou, aneth, chou chinois, katuk
Luteolin-7-glucoside ; olive, carambole, piment, oignon, poireau,
Demethoxycurcumine : curcuma
Naringenin : citron
Apigenine-7-glucoside : carambole, baie de goji, céleri, olive
Oleuropein : olive
Catechine : thé vert
Curcumine : curcuma
Epicatchine gallate : thé vert
Zingerol : gingembre
Gingerol : gingembre
Allicine : ail

Une autre étude a ajouté à cette liste :
Pterostilbene : amandes, raisins, myrtilles
Resveratrol : raisins, mûres, cacahuètes (semblable au pterostilbene)
Fisetin : fraises, pommes, kakis, oignons et concombres
Isorhamnetin : oignon (semblable à la quercétine)
Genisteine : lupin, fèves, soja, kudzu et psoralea

Une autre étude a ajouté :
Sulforaphane : brocoli, chou de bruxelles, chou-fleur
Phycocyanobilin : algue rouge
Piperine : poivre
Alpha-Lipoic acid : levure, épinard, brocoli, pomme de terre
Myricetin : raisin, baie, noix, Fibres de caroube, fenouil, persil, baies de goji, oranges
Glucosamine : blé fermenté, maïs fermenté
Ferulic acid : graines de blé, orge, graines de lin
Diadzein : fèves de soja, kudzu, fèves
Beta-glucan : fibres d'avoine
Apigenin : camomille, persil, céleri
Alliin : ail

Une autre étude a vérifié l'activité de la baicaléine in vitro (issue de la médecine traditionnelle chinoise) et a identifié des analogues :
baicalein : racine de Scutellaria, thym
Scutellarein : Scutellaria
Dihydromyricetin : Ampelopsis (vigne vierge), attention aux baies toxiques !
Quercetagetin : eriocaulon (toxicité peu connue)
Chrysin : miel, propolis, passiflore
Herbacetin : lin
5,6-Dihydroxyflavone et 6,7-Dihydroxyflavone
Cette étude a également retrouvé la Myricétine.

Remarque : attention à la surconsommation, il ne faut rien exagérer (exemple : graines et fruits secs entraînant des irritations de la vessie et des reins et favorisant les lithiases)

Certaines études bioninformatiques sont dédiées à une molécule unique comme l'eucalyptol.

2) La médecine traditionnelle chinoise

Le sars-cov-2 étant apparu en chine, la médecine traditionnelle chinoise a rapidement été testée. Un premier rapport a indiqué un effet bénéfique de certains éléments :
- Glycyrrhizine (réglisse) qui semble libérer du monoxyde d'azote, candidat testé à la fois pour son action pouvant bloquer la réplication virale et contrer la vasoconstriction
- feuille de Ginseng : qui stimulerait les défenses immunitaires
- Baicaline (Radix Scutellaria) : qui a montré une efficacité in vitro

3) L'alimentation

Une revue du premier mois de covid19 en Chine a proposé quelques pistes alimentaires générales :
Vitamine A : aide le système immunitaire et a montré son utilité contre différents virus qui se sont montrés plus virulents dans les cas de déficience en vitamine A, notamment un coronavirus aviaire.
Vitamine B : Dans le plasma, la présence de vitamine B2 a réduit le titre de virus mers-cov. Les vitamines B sont utiles pour stimuler le système immunitaire
Vitamine C : elle est utile à la fois pour stimuler le système immunitaire, mais également pour prévenir les infections du tractus respiratoire bas. Elle a montré son efficacité contre le coronavirus aviaire.
Vitamine D : qui a eu un effet sur le coronavirus bovin, et pourrait empêcher la réplication virale, surtout pour la vitamine D3
Vitamine E : qui a eu un effet sur le coronavirus bovin
Acide gras Omega-3 : ayant eu un effet sur le coronavirus aviaire
Sélénium : induisant des mutations virales, utile au système immunitaire
Zinc : ayant eu un effet sur le premier sars-cov. Le zinc est très intéressant car il peut intervenir dans la réplication virale, nécessaire notamment à plusieurs enzymes. Malheureusement, le zinc semble utile à la polymérase qui réplique le virus.
Fer : induisant des mutations virales

4) L'artemisia

Malheureusement, du fait des études truquées du professeur Raoult, la chloroquine est devenu un candidat privilégié en n'ayant montré aucune efficacité. L'artemisia est une plante qui produit de l'artémisinine, aux propriétés et à la structure proches de celles de la chloroquine, et ainsi des rumeurs ont été propagées sur son efficacité, allant jusqu'à la production de "covid organics" à Madagascar...
Cependant, ceci ne semble pas être une bonne piste.


mardi 21 avril 2020

Covid19 et animaux

La famille des coronavirus possède deux sous-groupes : alpha et beta. Les animaux domestiques comme le chien et le chat sont davantage sensibles au sous-groupe alpha, qui est davantage localisé au niveau du système digestif (intestins) de ces animaux, qu'au sous-groupe beta dont fait partie sars-cov-2.

Lors de la première épidémie de sars-cov, des tests ont été effectués chez les animaux pour voir s'ils pouvaient être vecteurs, notamment chez les rats et souris. On a retrouvé quelques échantillons positifs notamment dans les selles.

On a établi que les épidémies de coronavirus humaines étaient issues de zoonoses. Le virus existe donc chez la chauve-souris, qui semble être un de ses réservoirs naturels, et le pangolin. Un passage par le chien comme hôte intermédiaire a été envisagé du fait de la séquence génétique du virus, très appauvri en îlots CpG, qui sont la cible d'un mécanisme de défense antiviral canin.

Le récepteur ACE2 est très similaire chez les différentes espèces animales comme le cochon, le furet, le chat, l'orang-outan, le singe et il est donc logique de se demander si le sars-cov-2 peut infecter les animaux domestiques ou sauvages. On a donc trouvé certains chats et chiens contaminés. On a même décelé un tigre contaminé dans un zoo. Les animaux affectés ont présenté des symptômes tels que diarrhées et vomi. Cependant, l'incidence semble être plutôt rare car lors de tests pratiqués au hasard sur des milliers d'animaux, aucun ne s'est révélé positif.

Une étude a donc essayé d'inoculer le virus à haute dose à différents animaux, et a vérifié si le virus était alors transmis d'un animal à un autre. Les furets et les chats se sont montrés capables de les transmettre avec une plutôt grande facilité, les chiens étaient moins susceptibles et les cochons, poulets et canards pas du tout.

Par contre, la transmission entre humains et animaux domestiques n'a pas eu lieu chez des étudiants vétérinaires ayant contracté le virus par exemple. De plus, aucune transmission d'animal domestique à homme n'a encore été documentée et il ne semble pas que cela se produise fréquemment : très peu de danger avec votre animal domestique donc.


Une conférence très intéressante (en anglais) a été tenue à ce sujet :


Elle a indiqué les recommandations pour les animaux potentiellement exposés au virus : il faut si possible les maintenir en quarantaine avec soi, mais il n'est pas nécessaire de leur faire prendre un bain.

lundi 20 avril 2020

Covid19 et surinfections bactériennes

Une des principales causes de mortalité, une fois qu'un patient est sévèrement atteint, est la surinfection bactérienne. Ce billet propose donc de comprendre comment cela peut se produire, et quels armes nous disposons pour nous défendre contre ces surinfections.

1) Le virus

Un virus n'est pas un être vivant. Il ne "survit" pas. Malgré des abus de langage (qu'il m'arrive de faire aussi moi-même), il ne s'agit en fait que d'une capsule renfermant un message génétique, in capable de se reproduire de façon autonome. Les virus étant très spécifiques et extrêmement nombreux, la plupart d'entre eux sont pour nous inoffensifs.

Il existe plusieurs formes de virus et ceux-ci peuvent infecter des organismes variés, le bactériophage par exemple a une structure lui permettant d'infecter les bactéries.


Un virus peut être "nu" ou "enveloppé", ce qui lui confère une protection supplémentaire mais une plus grande complexité d'assemblage :

En temps normal, dans une cellule, l'ADN se trouve dans le noyau et est recopié en ARN, qui est une transcription d'une partie de l'ADN, servant de support pour fabriquer la protéine correspondante. L'ADN est l'équivalent d'un livre de recettes qui ne sort pas du noyau, et dont on recopie une recette (ARN) qui elle, sort du noyau et sert de support pour fabriquer les protéines de l'organisme.

Le matériel génétique du virus peut être soit directement lu dans le cytoplasme (ARN), soit intégré dans le noyau (ADN) pour y être traité comme le génome habituel de la cellule. Il code pour la fabrication de virus : ainsi, une cellule infectée devient une usine de fabrication de virus.

Attention : un virus à ARN (gauche) peut être rétrotranscrit en ADN et inséré dans le noyau. On parle alors de "rétrovirus". Il fonctionne de manière quasi identique à un virus à ADN (droite) mais a une étape supplémentaire (2) de transcription inverse, qui recopie l'ARN en ADN.


Un coronavirus est un virus à ARN qui ne s'intègre pas dans le noyau, et qui est constitué d'une enveloppe protégeant une séquence génétique, et d'un spicule permettant de s'accrocher à une cellule ciblée pour y injecter son matériel génétique.


En temps normal, une cellule n'utilise pas les milliers de gènes inscrits dans l'ADN, mais en transcrit seulement une partie en ARN, qui sort alors du noyau pour être pris en charge par une véritable chaîne de production de protéines, les ribosomes.

2) Les bactéries

Ce sont des être vivants autonomes, beaucoup plus gros que les virus car ils possèdent toute une machinerie cellulaire leur permettant de se répliquer et de se développer. Là encore, la plupart des bactéries sont inoffensives, voire utiles. Elles vont parfois posséder des enzymes que leur hôte ne possède pas, et permettre de nous aider à digérer certains aliments en les découpant pour nous.

Les bactéries peuvent avoir de nombreuses formes :


A l'intérieur, elles ont une structure proche de celle d'une cellule, mais sans noyau :
Une première grande distinction se fait au niveau de la paroi : celle-ci peut doubler la membrane, ne nécessitant donc pas de protection supplémentaire (gram -) ou simple mais protégée par des protéines recouvertes de sucres, des peptidoglycanes :
La stratégie pour combattre une bactérie dépend donc du type de paroi : on n'emploie pas les mêmes armes contre une paroi sucrée que contre une paroi graisseuse.

3) La surinfection bactérienne

Dans les cas les plus sévères et les plus longs, les poumons subissent de nombreux dommages et deviennent un terrain propice à l'infection bactérienne. Il est donc important de surveiller le développement de telles infections. Une étude portant sur les premiers cas graves (339 patients de plus de 60 ans) à Wuhan a indiqué que 43% d'entre eux avaient eu une surinfection bactérienne, et on en trouvait dans 82% des décès. Cependant, les déficiences hépatiques (foie, liver en anglais) et cardiaques étaient très importantes. L'ARDS (syndrome de déficience respiratoire aigüe) est la cause la plus fréquente associée à une mortalité (88%) :


Pour compléter ces informations, il a également été montré que seuls 50% des cas de mortalités sont causés par la surinfection bactérienne, et que ces surinfections ne sont présentes que dans un patient sur sept hospitalisé. Ces surinfections sont effectivement un risque majeur en milieu hospitalier. En Californie, 20% des cas étaient également positifs pour d'autres pathogènes.

Comme la surinfection bactérienne n'est pas systématique, une étude chinoise a rappelé qu'il n'était pas recommandé d'utiliser aveuglément des antibiotiques du fait de la forte incidence de pneumonies non bactériennes liées au coronavirus.

La complication majeure dans le cas d'infections bactériennes est la pneumonie bactérienne.

Les principaux pathogènes causant des pneumonies bactériennes sont :

Gram-positive :
Streptococcus pneumoniae — amoxicillin (ou erythromycin si allergie à la penicilline); cefuroxime er erythromycin dans les cas graves
Staphylococcus aureus — flucloxacillin (qui contre la β-lactamase)

Gram-negative :
Haemophilus influenzae — doxycycline; (ou seconde génération de cephalosporins comme cefaclor)
Klebsiella pneumoniae
Escherichia coli
Pseudomonas aeruginosa — ciprofloxacin
Moraxella catarrhalis

Atypique :
Chlamydophila pneumoniae — doxycycline
Chlamydophila psittaci — erythromycine
Mycoplasma pneumoniae — erythromycine
Coxiella burnetti — doxycycline
Legionella pneumophila — erythromycin, avec parfois ajout de rifampicine

Des antibiotiques ont été proposés plus spécifiquement dans le cadre du sars-cov-2 :
Teicoplanine : glycopeptide attaquant la paroi des bactéries
Prulifloxacin : qui empêche la réplication bactérienne en bloquant la DNA gyrase
Carrimycine : antibiotique macrolide
Bismuth potassium citrate : aide à l'action des antibiotiques en fragilisant la paroi (mécanisme incertain)
Azithromycin : antibiotique macrolide
Oritavancin : glycopeptide attaquant la paroi bactérienne gram +
Novobiocin : qui empêche la réplication bactérienne en bloquant la DNA gyrase
Labyrinthopeptin A1 et A2 : antibiotique à effet antiviral

Il est à noter qu'une surinfection peut également se produire par un champignon comme l'aspergillose.

4) Prevotella

Prevotella est un commensal (une bactérie non pathogène) présent dans l'organisme. Dans quelques rares cas, il peut effectivement devenir pathogène et a une action sur le système immunitaire. Mais ceci n'est en aucun cas généralisable et détecter sa présence est normal puisqu'il s'agit d'une bactérie abondamment présente naturellement chez l'Homme. On la retrouve dans des infections impliquant plusieurs pathogènes à la fois dans les cas de sinusite chronique par exemple, alors que les pneumonies sévères ont la plupart du temps une origine virale. Les surinfections bactériennes restent rares. Elles sont secondaires à des dégâts causés par le virus. De plus, Prevotella semble beaucoup plus associé au système digestif, causant des invasions de l’œsophage dans le cadre de reflux gastro-œsophagiens, plutôt que dans le cas de pathologies pulmonaires.

Une théorie a été présentée par un professeur de SVT (Bio Moon) sur la base des travaux de Sandeep Chakraborty, selon laquelle le sars-cov-2 serait un bactériophage infectant la bactérie Prevotella qui serait le réel vecteur de la maladie.

Sandeep propose également un système d'infection qui passerait par le récepteur CD147 présent dans les cellules respiratoires, en inhibant son action et favorisant ainsi le développement de la bactérie anaérobie. En gros, le virus se lierait à CD147. Pour appuyer cela, Sandeep nous cite deux publications qui montrent que des anticorps efficaces in vitro contre la réplication virale se lient à des régions du spicule autres que le domaine de liaison à ACE2. La première, CR3022, n'indique rien de plus. La seconde, 47D11, a été associée à une étude montrant bien une interaction entre le virus et ACE2 in vitro... Dans les deux cas, l'hypothèse faite par les auteurs est que ces régions du spicule bloquées par les anticorps ont peut-être une autre fonction que la liaison à la cellule cible. Les fonctions possibles : un clivage, la fusion membranaire... Mais rien n'indique une liaison à CD147, d'autant plus que la publication ayant étudié cette liaison dans le premier sars-cov a indiqué qu'il s'agissait d'une liaison possible avec le nucléocapside, qui n'est pas présent à la surface du virus... Il s'agirait alors non pas d'une liaison permettant l'infection, mais d'une liaison permettant l'assemblage du virus à l'intérieur même de la cellule, le récepteur CD147 étant également présent dans le réticulum endoplasmique où le virus est assemblé...

Bien que l'ensemble de la théorie paraisse en soi cohérent, nous avons relevé ce premier problème concernant CD147. Mais la théorie implique tout de même d'admettre des éléments très incongrus : un bactériophage-virus, une pathologie bactérienne principalement (alors que les surinfections bactériennes ne sont pas systématiques), et comme preuves : des séquençages. Les séquençages massifs de nouvelle génération (NGS) consistent à séquencer à l'aveugle toutes les séquences génétiques d'un échantillon. Il n'y a pas de contrôle avec lequel comparer, on ne fait que regarder quelles séquences sont plus abondantes et quelles séquences sont moins abondantes. Et si l'échantillon est riche en bactéries commensales, on les détectera en grande quantité, sans que cela ne signifie que ces bactéries soient devenues pathogènes.

Il ne faut pas oublier que la machinerie cellulaire est très différente entre une bactérie et une cellule humaine. Alors que les zoonoses sont rares, et qu'il paraît difficile pour certains d'accepter le saut d'espèce de la chauve-souris à l'homme, le fonctionnement du virus à la fois en bactérie et en cellule humaine ne paraît plus déranger ces mêmes personnes... On peut par exemple parler des séquences Shine Dalgarno spécifiques des bactéries... Il faut garder un peu de sérieux tout de même, cette hypothèse paraît à l'heure actuelle extrêmement farfelue.

Pour achever cette théorie, je vous propose quelques images en microscopie électronique à balayage proposées par l'inserm du coronavirus infectant des cellules épithéliales :

 puis se répliquant dans une cellule respiratoire :

Je ne vois pas Prevotella ?

5) Les macrolides

Les macrolides sont une famille d'antibiotiques. Les antibiotiques ont des modes d'action variés sur les bactéries mais vont en général les affecter. Cependant, leur utilisation trop massive risque de sélectionner des résistances. Il est important de ne pas utiliser les antibiotiques à outrance et dans des situations inadaptées. C'est pour cela qu'il ne faut pas non plus courir sur les macrolides, préconisés par certains médecins, sans qu'aucune étude fiable n'atteste de leur efficacité sur le sars-cov-2 à l'heure actuelle, et dont l'action antibiotique risque d'être très réduite s'ils sont utilisés trop massivement.

Certains médecins se sont mis à tester sur leurs patients différents antibiotiques. Que ce soit la fameuse azithromycine des études truquées du professeur Raoult, ou les macrolides en général. Je rappelle donc qu'une étude rétrospective a montré que l'azithromycine, ce macrolide, a une telle toxicité sur le système cardiovasculaire que la mortalité cardiovasculaire a été augmentée de 120% sur un échantillon comprenant 2 millions de patients.

De plus, une communication a été faite de la part du Dr Claude Escarguel, annonçant des études menées dans le Grand Est (fiables ? crédibles?) qui indiqueraient un effet de l'azithromycine, pointant pour le justifier la présence de Mycoplasma Pneumoniae comme facteur aggravant et prédicteur de complications qu'il faudrait combattre. Ceci a été avancé comme hypothèse sur la base d'un cas chinois. Cependant, une étude rétrospective plus large sur 133 patients dont 38 avaient une co-infection avec cette bactérie a montré un effet inverse : cette co-infection semblait avoir un effet protecteur, grâce à une réponse immunitaire plus forte. Il est à noter que la seconde étude sur laquelle Claude Escarguel s'appuie est décrite en 12 ici. Il s'agit d'une étude dont l'invalidité est probable, notamment par sélection de données a posteriori par l'auteur qui avait enregistré une étude de médecine traditionnelle chinoise à l'origine.

Je tiens donc à rappeler quelques règles élémentaires :

A) on utilise un groupe contrôle car oui, il n'y a pas que 2 possibilités dans la vie : guérir ou pas. Il y en a 3 : aggraver, rien, ou améliorer l'état de santé. D'ailleurs c'est plus complexe que cela car on peut avoir un effet sur les symptômes (la sensation d'aller mal ou bien) et un effet sur la maladie (qui peut progresser ou pas) opposés. L'exemple typique sont les anti-inflammatoires (je rappelle que l'hydroxychloroquine a un effet anti-inflammatoire). On va réduire la réaction immunitaire, donc avoir moins de symptômes, ce qui laisse progresser la maladie plus fort et peut augmenter le risque de complications (réa / mortalité).

B) on pratique le double aveugle. Cela ne ralentit rien. Cela permet d'aller aussi vite que si on ne le fait pas. Il s'agit seulement de faire en sorte que le médecin ne sait pas ce qu'il donne au patient, et note, sans savoir si c'est son médicament fétiche ou si c'est juste un placébo, les constantes demandées.

C) on pratique la randomisation : grâce à des logiciels, on attribue les traitements de manière à ce que les deux groupes qui reçoivent un traitement soient comparables l'un avec l'autre (âge sexe etc). Ceci également ne ralentit rien.

D) on annonce dès le départ ce qu'on va faire et on s'y tient, pour ne pas choisir de mesurer que ce qui nous arrange si certains paramètres se montrent moins bons que l'on espérait. Par exemple, on annonce qu'on va mesurer la fièvre tous les jours. Si on l'annonce pas, et qu'on la mesure tous les jours, et qu'elle monte à bloc les 3 premiers jours descend le 5eme jour et remonte à bloc, et qu'on ne montre à la fin que la température du jour 1 et du jour 5 on peut faire croire au contraire de ce qui s'est réellement passé.

samedi 18 avril 2020

Covid19 et système immunitaire

Des débats de plus en plus houleux ont lieu et je me fais souvent interpeller sur des histoires à dormir debout concernant des puces RFID insérées dans des vaccins... Mais quand je demande si ces personnes savent comment fonctionne le système immunitaire, je me rends compte que leur niveau de connaissance est souvent proche de 0 à ce sujet. C'est pour cette raison qu'il me paraît judicieux de commencer par expliquer l'immunité et les défenses du corps avant de discuter plus directement du coronavirus et des traitements envisagés.

1) Le système immunitaire

Pour ceux qui n'ont pas les connaissances de base, il est utile de regarder cette vidéo très simple :


Pour résumer donc, une cellule affiche grâce à son Complexe Majeur d'Histocompatibilité (CMH) de petits fragments (peptides antigéniques) des protéines qui la pénètrent. Les cellules présentatrices d'antigènes (monocytes, macrophages, lymphocytes B et cellules dendritiques) phagocytent (mangent) les cellules infectées et présentent à leur tour les antigènes en les apportant aux lymphocytes T dormants dans les ganglions lymphatiques. C'est ainsi que se déclenche la réaction immunitaire avec recrutement des lymphocytes B libérant des anticorps circulants pour neutraliser le corps étranger (virus), et lymphocytes T tueurs s'occupant des cellules infectées.

Voici le contact, observé en microscopie électronique, entre lymphocyte T (blanc) et cellule dendritique (bleu) :


La fabrication des lymphocytes à partir du génome ne devrait pas permettre d'obtenir toutes les formes différentes, puisqu'il faudrait un gène par forme... L'organisme a en réalité une région dite "hypervariable" dans son ADN, codant pour le CDR3 du lymphocyte. Le CDR3 est la région qui entre directement en contact avec les peptides antigéniques. Ainsi, par des recombinaisons aléatoires, de nombreuses formes de lymphocytes sont produites, et vont détecter à peu près toutes les formes possibles et imaginables au hasard.

Mais dès lors, comment se fait-il que le système immunitaire, qui reconnaît toutes les formes possibles "au hasard", ne s'attaque pas à notre propre organisme ?

Lorsqu'une cellule dendritique présente un peptide antigénique, elle présente en même temps son Human Late Antigen, un peptide du "soi", permettant d'indiquer au lymphocyte par une seconde voie qu'elle est une cellule "amie". Il faut donc que les lymphocytes reconnaissent ce HLA, et c'est la première sélection qui s'opère :

Il faut ensuite sélectionner les CDR3 de façon à ce que le peptide antigénique détecté soit bien étranger au "soi" : 

Les lymphocytes T issus de la moëlle osseuse vont donc subir cette étape de sélection dans le thymus, et 97% d'entre eux seront détruits soit car ils n'ont pas une bonne reconnaissance du HLA, soit parce que leur CDR3, formé au hasard, épouse une forme propre à l'organisme, au "soi". Seuls les 3% reconnaissant les peptides du "non-soi" seront maintenus.

Les lymphocytes B subissent le même type de sélection :

Lorsque le système immunitaire s'en prend au "soi", on parle de maladie autoimmune. Certains marqueurs de maladies autoimmunes existent, comme les anticorps anti SSA/Ro. Ceux-ci ont été identifiés dans le cadre du covid19. Cette information reste cependant à confirmer.

Le combat entre l'organisme et le virus dépend donc de quelques paramètres :
- Nombre de cellules qui sont infectées au départ,
- Vitesse de réplication et de propagation du virus,
- Délai entre infection et détection par l'organisme pour qu'il déclenche une réaction.

Une fois ce combat terminé, si l'organisme a survécu, une certaine mémoire existe grâce aux anticorps (IGG, les plus communs, spécifiques et IGM, non spécifiques, utilisés par les lymphocytes B). La persistance de ces anticorps et la formation d'anticorps mémoire définit l'immunité acquise de l'hôte qui pourra alors résister plus facilement en cas de réinfection :

La quantité d'anticorps détermine l'immunité ainsi acquise, et elle a été mesurée (on parle de titre d'anticorps) pour des personnes testées positives en PCR. On pratique un test ELISA permettant de détecter les anticorps, et plus le titre est élevé plus l'immunité est forte (A). Les personnes ayant eu un test négatif dans un premier temps ont vu leur titre augmenter (B). Ce schéma est très similaire à celui de la grippe et est plutôt rassurant.
Image


Voici un schéma un peu plus technique de la réaction de l'organisme parue dans Cell :

Cette figure indique l'ensemble des signaux échangés par une cellule infectée pour activer les diverses cellules du système immunitaire, et notamment les cellules tueuses (NK). Selon la gravité de l'infection, et selon la charge virale, les réponses peuvent être orientées vers certains médiateurs (peu sévères : IFN, TNF, IL-2) ou vers d'autres (cas plus graves : IL-6) :

Le rôle particulier des monocytes qui se différencient en macrophages dans l'infection par sars-cov-2 a été étudié. En effet, un retard dans la réponse des interférons de type I et une stimulation des monocytes recrutés dans les vaisseaux sanguins ainsi qu'une possible entrée du virus dans ces derniers (puisqu'ils expriment ACE2) permettrait d'orienter la différenciation des monocytes en macrophages.
Cette suractivation des monocytes pourrait être à l'origine des phénomènes de coagulation lorsque des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins sont infectées. L'expression des molécules anticoagulantes est en effet diminuée (TFPI, protéine C activée, antithrombine) en même temps que les voies activant les monocytes (CCL2 et IL6) vont augmenter la formation de dépôts de fibrine et provoquant la coagulation. Des neutrophiles recrutés par les cellules endothéliales peuvent également contribuer à ce phénomène.


La plupart du temps, l'organisme finit par prendre le dessus avant que trop de cellules ne soient infectées. Mais parfois, le système immunitaire est dépassé, entraînant un choc cytokinique.

2) Le choc cytokinique

Les cytokines sont libérées par les cellules infectées et attirent les lymphocytes, stimulant le système immunitaire. Pour rappel, voici la liste des cytokines déjà identifiées pour les différents virus sars-cov de 2002/2003, mers-cov de 2012 et sars-cov-2 de 2019 :



A priori, il est utile de ne pas agir contre ces cytokines. Celles-ci permettent d'augmenter la réaction au virus :

https://medias.pourlascience.fr/api/v1/images/view/5e81f0d78fe56f416a6e9a55/wide_730/image.jpg

Mais en cas d'excès de stimulation, des dégâts peuvent être infligés à l'organisme par une réaction immunitaire trop forte. Un ajustement précis des différentes cytokines et des interférons est nécessaire pour adapter correctement la réponse immunitaire. Lorsque le système immunitaire est trop faible, qu'il est débordé ou qu'il ne produit pas assez d'armes (perforines) pour se défendre, on peut entrer dans ce qui est appelé "orage" ou "choc cytokinique". C'est ce qui provoque de gros dégâts pulmonaires dans les cas sévères de Covid19. Les cytokines les plus associées aux complications sont l'interleukine-6 et L'interféron gamma.


3) Les vaccins

L'origine des vaccins remonte à l'histoire d'un médecin de campagne, Edward Jenner :

Partant de ces observations, nous avons compris bien plus tard les mécanismes sous-jacents :


En bref, lors d'une première infection, des lymphocytes B et T mémoire sont générés. Ceux-ci permettent une réaction immunitaire plus forte et plus efficace en cas de nouvelle rencontre avec le même antigène.

Lorsqu'un virus évolue et mute, il ne change pas intégralement, et si plusieurs antigènes ont été mémorisés, la réaction immunitaire pourra toujours se déclencher. Cependant, si un nombre trop restreint d'antigènes spécifiques est en mémoire, le virus peut paraître nouveau à l'organisme. Les vaccins peuvent donc être constitués de tous les fragments viraux, ou seulement de quelques peptides antigéniques aussi appelés épitopes. Il s'agit avant tout de créer une mémoire permettant une réaction immunitaire immédiate et forte lors d'une infection, évitant ainsi la multiplication virale suffisamment tôt pour ne pas avoir de symptômes.

4) Les interférons

Une des premières étapes avant la défense immunitaire est la production d'interférons. Lors de la réplication du virus, un élément inhabituel a lieu : la présence de doubles brins d'ARN (pendant la copie de l'ARN viral) dans le cytoplasme de la cellule. Les organismes vivants ont développé une stratégie pour mitiger la réplication virale en amont de la réponse immunitaire : lorsqu'un double brin d'ARN est détecté, des signaux s'activent dans la cellule pour gêner les réplicases responsables de la réplication. Il s'agit principalement d'interférons.

Voici un schéma détaillé de cette réponse : ne vous fiez pas à sa complexité, il s'agit juste du détail de toutes les protéines impliquées dans cette réponse. On note qu'avec l'arrivée d'un virus à ARN, une cascade de réactions se déclenche, amenant à la production d'interférons et de cytokines et à l'apoptose (suicide de la cellule) :

Viral dsRNA Signaling Through TLRs and RLRs | Review | InvivoGen

Un autre outil intéressant est le complexe DICER/RISC, dont le rôle est de découper les ARN double brins, de supprimer le brin sens (qui a le même sens que celui du virus, et est inutile) et de garder le brin antisens. Ce brin antisens sera fragmenté, et permettra au complexe DICER/RISC de reconnaître d'autres copies (sens) du virus en se fixant dessus. Ainsi, grâce à ce brin antisens, DICER/RISC va éliminer l'ARN viral.

The RNAi mechanism — dsRNA is processed by DICER RNase III into 21 ...

Une étude du transcriptome (ensemble des gènes exprimés) d'une cellule infectée comparée à une cellule infectée par d'autre virus ou non infectée montrait un déficit en interférons I et III. Les chémokines sont toujours présentes. Celles-ci attirent les cellules de la réponse immunitaire.

Les anciens virus sars-cov et mers-cov ont déjà été étudiés dans ce contexte et leur action sur différents composants de cette réponse immunitaire cellulaire ont été identifiés. Ils bloquent des éléments tout au long de la voie de production d'interférons dans la cellule infectée.



En résumé, il semble que le sars-cov-2 joue un rôle déterminant dans la réponse de l'organisme : il inactive les défenses cellulaires (interférons) et oriente vers une réponse immunitaire (chémokines), ce qui explique pourquoi les personnes âgées sont plus à risque.

5) Les traitements

Afin de réduire les symptômes, le traitement classique consiste à réduire l'inflammation, et donc la réaction immunitaire. Mais il semble que ce ne soit pas la meilleure voie car une réaction immunitaire trop faible favorise la progression du virus et risque, malgré une légère amélioration des symptômes, d'aggraver l'issue de la maladie :


- Mycophenolic acid agissant sur la inosine-5′-monophosphate dehydrogenase, nécessaire pour la réplication des lymphocytes T.

- Glucocorticoïdes (1) et Corticostéroïdes (liste) qui ont généralement un rôle immunosuppresseur, notamment la Méthylprednisolone : 12, 3

- Ebastine qui est un antihistaminique et réduit donc la réaction inflammatoire

- Fingolimod qui empêche le recrutement des lymphocytes et leur passage dans le sang car il ressemble à sphingosine 1-phosphate (S1P1) et entre en compétition avec son action de recrutement des lymphocytes.

- Pirfenidone a deux essais cliniques, dont l'action passe par l'inhibition de TGF beta et l'inhibition deux interleukines (1 et 4) pour réduire l'inflammation notamment pulmonaire.

- Tranilast à l'action anti-histaminique

- Berberine, plutôt toxique et ayant potentiellement de nombreux effets secondaires

- Luteoline, un flavonoïde connu comme régulant le système immunitaire et potentiellement utile dans le cas de chocs septiques

- Colchicine qui se lie à la tubuline des microtubules, empêchant ainsi la mitose (division cellulaire) principalement dans les cellules immunitaires


Une approche consiste au contraire à augmenter la réaction immunitaire :

- Rintatolimod (Merck) qui agit sur le précepteur TLR3. Ce récepteur est impliqué dans la reconnaissance d'ARN double brin, qui ne peut apparaître qu'en cas d'infection virale. Les virus peuvent parfois se lier à ce récepteur et empêcher sa fonction, et le rintatolimod le protègerait.

Polyinosinic polycytidylic acid, agissant également sur le récepteur TLR3

Thymosine α‐1, induisant la voie de l'interleukine 2 et la différenciation des lymphocytes T et des cellules dendritiques (1)

- Ajout ou stimulation des cellules immunitaires : Immunoglobulines (test 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9), Natural Killer cells (test 1, 2), Macrophages (test 1). Ceci se fait par transfert de plasma, qui a donné des résultats encourageants lors de premiers résultats publiés sur des cas sévères. Il est également à l'essai en France.

- Apport en vitamines, notamment A et B6

- GCSF, stimulant la production de cellules immunitaires au niveau de la moëlle osseuse


Certains traitements visent à injecter des cytokines pour augmenter la réaction immunitaire :

- vMIP qui active les macrophages

- Interleukine-2 qui active lymphocytes T et macrophages

Des traitements ont été proposés pour réduire le choc cytokinique :

- Tocilizumab, ciblant l'IL-6, sans doute le plus prometteur d'après des rapports et témoignages de médecins, notamment italiens. Il y a de nombreux essais cliniques : 1, 2, 3, liste

- Sarilumab qui se lie aux récepteurs de l'IL-6 et empêche leur action

- Autres anticorps encore en essai qui ciblent l'IL-6 : clazakizumab, olokizumab (CDP6038), elsilimomab, BMS-945429 (ALD518), sirukumab (CNTO 136), levilimab (BCD-089), CPSI-2364

- Camrelizumab, anticorps ciblant le récpteur PD-1 des lymphocytes, ou autres bloqueurs (1, 2) de ce récepteur.

- Thalidomide, réduisant le niveau d'IL-6 (1, 2)

- CMAB806, réduisant le niveau d'IL-6 (1)

- Renal replacement therapy

- Rapamycin (Sirolimus) qui cible mTOR et réduit ainsi la production de cytokines

- Cyclosporine, réduisant l'expression de l'IL-2

- RuxolitinibJakotinib et Baricitinib qui agissent sur la voie janus kinase JAK, impliquée dans la production de cytokines, mais ayant l'inconvénient d'être également impliquée dans la production d'interférons et de nombreux aspects de la réponse immunitaire

Des traitements visant à agir sur l'apoptose (mort cellulaire programmée) :

- ABT-263 bloquant BCL-2, impliqué dans le déclenchement de l'apoptose

- Obatoclax bloquant BCL-2, impliqué dans le déclenchement de l'apoptose

D'autres voies thérapeutiques peuvent être envisagées, notamment en régulant TNF-alpha.